Gérald Darmanin, au siège de campagne de Nicolas Sarkozy, le 20 novembre. | ERIC FEFERBERG / AFP

La primaire de la droite a attiré beaucoup d’électeurs. Ce succès numérique cache une des faiblesses de ce scrutin : les catégories populaires s’en sont désintéressé. En 2017, la droite ne pourra gagner sans les convaincre. Dans le cas contraire, cela pourrait renforcer le Front national. Gérald Darmanin, maire de Tourcoing (Nord), coordinateur de la campagne de Nicolas Sarkozy et actuel secrétaire général adjoint du parti Les Républicains, tire la sonnette d’alarme.

Cette primaire de la droite a-t-elle été un succès populaire ?

Gérald Darmanin : Oui, elle a intéressé énormément de monde. Objectivement, il y avait beaucoup de téléspectateurs devant les débats, les réunions publiques ont fait le plein et les votants se sont déplacés en masse. C’est incontestablement un succès populaire en termes de participation. Mais peut-on dire que le peuple, au sens social du terme, est venu voter ? La réponse est non. Dans les urnes, les milieux populaires ont été sous-représentés par rapport aux classes bourgeoises. Dans mon département du Nord, à Bondues, ville plutôt riche, 30,50 % des habitants ont voté. A Tourcoing, ville voisine beaucoup plus populaire, il y a eu 5,31 % de participation. Idem à Fourmies où seulement 3,97 % des habitants se sont déplacés.

La primaire est un instrument intéressant pour sélectionner et légitimer un candidat. Le problème est que cet outil n’intéresse que les classes sociales supérieures, les retraités et les urbains qui ont du temps à y consacrer. Cela se fait au détriment des plus pauvres qui ne se sentent pas concernés et s’excluent d’un candidat qui peut être le prochain président de la République.

Mais n’est-ce pas la conséquence logique des programmes des candidats axés sur le libéralisme ou la suppression de l’impôt sur la fortune (ISF) ?

Je ne crois pas que le peuple refuse le libéralisme. Il le refuse seulement s’il le trouve injuste. Et nous ne donnons plus de signes de notre volonté de protéger les plus faibles. Le gaullisme social ou le séguinisme ont disparu de nos discours. Depuis quelques années, la droite française n’intéresse plus les classes populaires. Si l’on reprend l’expression d’André Malraux, nous ne sommes plus « le métro à 5 heures du matin ». Electoralement, et pour l’équilibre du pays, il y a un grand danger que ces classes populaires s’éloignent définitivement de la droite et soient captées par le FN.

Pensez-vous que cela puisse peser sur la présidentielle de 2017 alors que tout le monde voit la droite l’emporter ?

Ce sera un enjeu majeur. Depuis les débuts de la VRépublique, jamais la droite n’a été élue sans le soutien des plus modestes. C’est évident pour le général de Gaulle ou Georges Pompidou. En 1995, la fracture sociale de Jacques Chirac en 1995 avait su intéresser les ouvriers, les employés et la classe moyenne inférieure. Idem pour la campagne de 2007 de Nicolas Sarkozy axée sur la valeur travail. Je ne veux pas remettre en cause la primaire, elle a permis de trancher la ligne politique et il faudra appliquer le programme de François Fillon. En revanche, il faudra qu’il montre des signes d’ouverture vers les milieux populaires et particulièrement vers les personnes handicapées, les familles monoparentales et ceux qui travaillent mais qui se sentent abandonnés.

Sinon Marine Le Pen peut-elle être élue ?

Oui, si la droite ne récupère pas le vote du « métro à 5 heures ». J’ai voté avec conviction François Fillon au second tour de la primaire, mais je suis l’élu d’une grande ville populaire et je vois les signaux d’alerte pour la droite : nous devons reparler aux plus faibles et aux plus touchés par la mondialisation qui n’est pas heureuse pour tout le monde.

Si le candidat de droite ne parle qu’aux milieux favorisés, son socle électoral sera très réduit et le FN récoltera les votes des plus modestes. Je rappelle qu’il faut entre 10 et 13 millions de voix pour passer le premier tour et entre 18 et 20 millions pour être élu au second. Si l’on ajoute à ça la multiplication des candidatures au centre et la popularité de Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen peut sortir à 35 % ou plus au premier tour. La présidentielle changera alors de visage car elle pourra gagner.