Au Bénin, six chaînes de télévision et une radio ont été fermées depuis le début de la semaine, sur décision de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication du Bénin (HAAC). Des scellés ont ainsi été posés, dès le lundi 28 novembre, sur les portes d’entrée de ces médias. Officiellement, ces suspensions sont dues à une « violation de la convention ». Cependant, trois des groupes concernés sont proches de l’homme d’affaires Sébastien Ajavon jugé il y a peu pour trafic de drogue et arrivée troisième à la présidentielle en mars.

Que ce soit pour E-Télé, Eden TV – parmi les chaînes les plus regardées au Bénin – ou Soleil FM, le régulateur leur reproche d’avoir modifié l’endroit depuis lequel ils émettent sans l’avoir prévenu. Ils contreviendraient au texte voté en janvier 2015. Le pays s’était alors doté d’une loi sur l’information. Ce texte supprimait notamment les peines de prison pour offense au chef de l’Etat et réglementait l’accès aux sources d’information. Une avancée pour la liberté d’expression au Bénin, classé au 75e rang sur 180 pays et au 16e rang en Afrique par Reporters sans frontières (RSF) dans son évaluation de la liberté d’informer.

Du côté de la radio Soleil FM, les responsables se sont défendus en diffusant la lettre envoyée à la HAAC prévenant du changement. La HAAC dément avoir été informée. Quant à la chaîne panafricaine Sikka TV, la situation est plus délicate. C’est une entité de droit français dont les contenus sont produits à Cotonou, par Ideal Productions. La Haac considérait donc que c’était une « télévision pirate » et a fait fermer les bureaux d’Idéal Productions. Selon un des responsables de la structure, c’est un « énorme amalgame ».

« Avons-nous élu un monstre ? »

Alors que Sébastien Ajavon, surnommé le « roi du poulet » au Bénin pour avoir bâti sa fortune sur l’importation de volaille surgelée, a été remis en liberté début novembre, après une garde à vue prolongée pour trafic de cocaïne présumé, ses partisans voient dans la fermeture de ces médias un complot. Sikka TV et Soleil FM appartiennent à l’homme d’affaires et Eden Tv est la propriété du milliardaire Samuel Dossou-Aworet, un proche de la députée Claudine Prudencio, qui est un pilier du système Ajavon.

« Avons-nous élu un monstre ? Cette cabale doit cesser. Ajavon est un digne fils du pays. Plutôt que de le persécuter, le gouvernement devrait l’encourager », déclare ainsi Johanes G, un étudiant.

Le jour même de la fermeture des médias, des voix se sont élevées pour dénoncer une décision arbitraire et infondée. L’Union des professionnels des médias du Bénin (UPMB) et le patronat de la presse et de l’audiovisuel ont publié un communiqué conjoint, fustigeant une décision « brutale, bancale et disproportionnée, digne des époques moyenâgeuses ».

Pour Franck Kpotchémé, le président de l’UPMB, il s’agit d’un « abus de pouvoir ». Il explique : « Cette décision viole la loi organique de la HAAC car lorsqu’un organe de presse ne respecte pas son cahier des charges, il doit faire l’objet de deux rappels à l’ordre avant d’être sanctionné. » Selon lui, une réunion avec la HAAC est prévue vendredi 2 décembre dans l’après-midi.

Du côté du président de la HAAC, la décision visait à assainir les médias dans le pays, comme il a justifié sur RFI. Adam Boni Tessi dément toute « main invisible » et invite les responsables des médias concernés à venir se mettre en règle auprès de l’instance.