A Bogota, devant le Sénat, le 29 novembre 2016. | GUILLERMO LEGARIA / AFP

C’est le jour J de la paix en Colombie. « Aujourd’hui, 1er décembre 2016, nous pouvons dire officiellement que la guerre est finie », a déclaré jeudi le président Juan Manuel Santos. La veille, le Congrès avait approuvé a l’unanimité des parlementaires présents l’accord de paix négocié avec les FARC. 75 sénateurs sur 100, et 130 députés sur 160, ont voté en faveur du texte. L’ex-président aujourd’hui sénateur, Alvaro Uribe, ses partisans et les conservateurs critiques de l’accord de paix ont choisi de quitter l’hémicycle plutôt que de participer au vote.

Le président Santos qui, le 10 décembre, recevra son Prix Nobel de la paix, a exprimé sa « gratitude au Congrès pour cet historique soutien à l’espérance de paix des Colombiens ». L’ONU, Washington, l’Union européenne ont aussi participé aux célébrations. Le secrétaire d’Etat américain John Kerry a redit que « les Etats-Unis, qui ont soutenu la Colombie en temps de guerre, maintiendront leur appui en temps de paix ».

La guerre aura duré cinquante-deux ans, la négociation de l’accord de paix quarante-quatre mois, et les vicissitudes de sa ratification neuf semaines. Après la victoire du non au référendum du 2 octobre, une nouvelle version de l’accord a été signée le 24 novembre. D’après celle-ci, l’accord de paix n’a pas rang constitutionnel, le tribunal spécial chargé de juger les crimes de guerre des deux camps ne comportera pas de magistrats étrangers, les FARC devront fournir un inventaire de tous leurs actifs pour l’indemnisation de leurs victimes, et les ex-guérilleros devront purger leurs peines privatives de liberté dans le hameau que désignera le juge. Mais ces modifications n’ont pas suffi à contenter la droite dure.

L’accord de paix prévoit que les délais stipulés pour la mise en application de ces dispositions commencent à courir à partir du jour J. Ainsi, dans cinq jours, quelque 6 000 membres des FARC se mettront en mouvement, par monts et par jungles, pour rejoindre les « zones transitoires de normalisation ». Ils y passeront les prochains mois. Dans un délai de cent cinquante jours, ils y déposeront leurs armes sous la supervision de l’ONU. Dans six mois, les FARC seront devenues un parti politique. C’est du moins ce qui est écrit, car les premières embûches se profilent.

En effet, les FARC contestent que la ratification de l’accord constitue le fameux jour J. Pour le commandant guérillero Pablo Catatumbo, « le jour J est celui de la date du vote de la loi d’amnistie ». Les guérilleros n’entendent pas déplacer leurs troupes, et encore moins les désarmer, sans garanties juridiques. David, qui a rejoint la guérilla il y a dix-neuf ans, résume le point de vue des FARC : « On ne va pas quitter le maquis pour aller en taule, hein ? »

Délicate transposition juridique

La loi d’amnistie devrait être présentée au Congrès début décembre. Le chef de l’Etat pourrait parallèlement décréter des mesures de grâce pour les guérilleros coupables de délits politiques. « Il a la faculté de le faire », a rappelé le Haut-Commissaire pour la paix, Sergio Jaramillo. Le gouvernement considère que le succès de l’accord dépend désormais de sa rapide mise en œuvre. Il espère que les images des guérilleros définitivement désarmés rallieront les sceptiques de la paix, et feront taire l’opposition uribiste.

Mais déjà, la transposition juridique de l’accord pose problème. Ce qui a été négocié autour d’une table à La Havane doit devenir la norme : il faut modifier la Constitution, voter des lois, signer des décrets. Le gouvernement comptait sur la procédure de « fast track » qui permet d’écourter la procédure législative et de contraindre le législateur à voter en bloc les dispositions du texte, sans pouvoir les amender. Tollé de l’opposition. La Cour constitutionnelle doit dire si cette procédure reste valide, alors que l’accord n’a pas été approuvé par référendum. Juristes et politiques débattent avec ferveur ; les citoyens, eux, ont accueilli le jour J avec une indifférence presque totale.

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