Le Président de la République Française, François Hollande dans son bureau du palais del'Élysée. | Christopher Morris / VII pour "Le Monde"

C’était sa principale promesse de campagne, elle aura hanté son quinquennat. En annonçant, jeudi 1er décembre, qu’il ne se présenterait pas à l’élection présidentielle de 2017, François Hollande a pourtant tenté de défendre son bilan en matière d’emploi, lui qui a si longtemps conditionné sa candidature à l’inversion de la courbe du chômage.

« L’engagement majeur que j’avais pris devant vous, c’était de faire baisser le chômage. J’y ai consacré avec le gouvernement toute mon énergie, […] j’ai allégé les charges des entreprises parce que c’est la condition pour qu’il y ait davantage d’emploi […]. Les résultats arrivent, plus tard que je ne les avais annoncés, j’en conviens, mais ils sont là : l’investissement, la consommation, la construction repartent, et depuis le début de l’année le chômage enfin diminue. Mais il reste à un niveau trop élevé, et je mesure ce que cette situation peut avoir d’insupportable pour nos concitoyens qui vivent dans la précarité », a admis M. Hollande, jeudi soir.

De fait, la fameuse courbe, à défaut de s’inverser totalement, est en train de fléchir. Certes, le résultat arrive près de trois ans après la date initialement promise par François Hollande (fin 2013). Mais depuis le début de l’année, le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A – ceux qui n’ont aucune activité et sont tenus de chercher un emploi – a baissé de 101 300, pour atteindre 3,47 millions en France métropolitaine. Soit le plus fort recul depuis 2008. Même le chômage des jeunes, qui battait des records, est à la baisse, avec -8,2 % sur un an, d’après les chiffres de Pôle emploi et du ministère du travail.

Tendance positive

En dépit de plusieurs trimestres d’une croissance poussive, l’économie française s’est remise, ces derniers temps, à créer des emplois. Ainsi, 210 000 postes ont été ouverts dans le secteur privé ces dix-huit derniers mois. Au troisième trimestre, les entreprises tricolores ont même créé 52 000 postes supplémentaires, le meilleur chiffre depuis 2008, selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), traditionnellement classé à gauche.

Pour les observateurs, c’est le signal que la politique économique menée durant le quinquennat commence à porter ses fruits. Le pacte de responsabilité, qui aura permis d’alléger de quelque 40 milliards d’euros les charges pesant sur les entreprises, et surtout le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) ont constitué une bouffée d’oxygène pour des entreprises mises à mal par la crise financière de 2008 et fragilisées par plus d’une décennie de perte de compétitivité sur la scène internationale.

Leurs marges se sont redressées : elles ont atteint un plus haut depuis la crise du deuxième trimestre 2016 (31,7 %), et ont recommencé à investir, encouragées par la mesure fiscale de suramortissement, mise en place en avril 2015. La prime à l’embauche dans les PME, décidée en début d’année (une aide de 4 000 euros pour les PME accueillant un salarié payé jusqu’à 1,3 fois le smic), a également contribué à la tendance positive : elle a franchi le cap des 900 000 demandes.

La croissance économique reste au mieux poussive

« Les politiques menées par le gouvernement ont très certainement permis à l’économie de créer plus d’emplois qu’elle ne l’aurait fait avec les taux de croissance que nous avons. Il y a aujourd’hui une vraie dynamique », soulignait récemment Mathieu Plane, de l’OFCE.

Las, les remèdes administrés aux entreprises ont mis du temps à se propager à l’économie réelle. Le cercle vertueux – augmentation des marges, investissement, embauches par les entreprises – semble s’enclencher, mais les années de hausse du chômage de masse ont laissé des traces. Les électeurs de gauche n’ont pardonné au chef de l’Etat ni sa politique pro-entreprises, ni le manque d’effets immédiats de celle-ci. Et même s’il recule aujourd’hui, le chômage a augmenté depuis l’accession à l’Elysée de M. Hollande : 598 000 demandeurs d’emploi supplémentaires sont à déplorer dans la catégorie A depuis le deuxième trimestre 2012.

D’autant que dans le même temps, la France n’a pas réussi à profiter à plein de l’environnement international, particulièrement favorable. Malgré le fameux « alignement des planètes », selon la propre expression de M. Hollande – taux d’intérêt au tapis, euro faible et baril de pétrole bas –, qui a prévalu jusqu’en début d’année, la croissance économique reste au mieux poussive, au pire atone. La France se classe toujours parmi les élèves moyens de la zone euro : le PIB devrait croître de seulement 1,3 % cette année, contre 1,7 % pour la zone euro, selon la Commission européenne, loin derrière l’Allemagne (1,9 %).

« Une fois les gages donnés aux entreprises (CICE, suramortissement), on a eu un peu l’impression que la politique économique s’est arrêtée. Les conditions avaient été mises en place pour que cela reprenne et il fallait juste être patient pour que ces mesures portent leurs fruits. C’est à mon sens sur ce point que le bilan [de François Hollande] est fragile. Les conditions en place ne sont pas suffisantes pour créer un élan. Quel était le modèle de société vers lequel la politique économique permettait d’aller ? C’est cela qui a terriblement manqué », estime Philippe Waechter, directeur de la recherche économique chez Natixis AM.

Les chefs d’entreprise retiendront également la cacophonie entourant la mise en place de la loi travail, amenée sans concertation avec les syndicats, qui a horrifié une partie des Français et finalement déçu les milieux économiques. « Les avancées de la loi travail sont trop timides. Enfin, l’absence de réforme de fond du système de formation professionnelle a empêché de dessiner les contours d’une véritable forme nationale de flexicurité », regrette Emmanuel Jessua, directeur des études chez Coe-Rexecode, un institut de conjoncture proche du patronat.