Manifestation devant la Cour suprême après la décision d’invalider une loi texane pendant l’été 2016. | © Kevin Lamarque / Reuters / REUTERS

L’Etat du Texas s’apprête à avaliser des nouvelles mesures sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG) qui, selon ses détracteurs, ont pour objectif de dissuader, moralement et financièrement, les femmes qui voudraient avoir recours à la procédure. Le texte, qui ne nécessite même pas un vote ou un examen législatif car il a été créé par les services sanitaires locaux, prévoit que les fœtus, peu importe la période de gestation, devront être enterrés ou incinérés. Il entrera en vigueur le 19 décembre.

Parmi les ONG et associations qui s’opposent à ces conditions drastiques, on retrouve le Satanic Temple, une organisation religieuse américaine qui défend les droits des athées et a l’habitude de monter de longues et médiatiques procédures judiciaires contre toute loi qu’elle considère inspirée d’une religion.

Les nouvelles conditions imposées par le Texas sont, selon les activistes satanistes, contraires à leurs croyances religieuses, notamment le principe « d’inviolabilité » du corps. Ils se considèrent donc comme « exonérés » de son application. « Il s’agit d’une opinion religieuse qui va à l’encontre de la nôtre », a dit le porte-parole sataniste, Lucien Graves.

« Les autorités du Texas imposent l’idée que les tissus de fœtus avortés doivent être élevés au statut de personne (…) Il est parfaitement clair que l’enterrement des tissus de fœtus avortés est une mesure punitive imposée par des théocrates sadiques ».

Sur son site, le Satanic Temple se drape autour du 1er amendement de la Constitution et de la Religious Freedom Restoration Act (RFRA), une loi garantissant la liberté religieuse que les conservateurs adorent citer et que les activistes satanistes adorent retourner contre eux.

« Nous pensons que les cérémonies d’enterrement sont un élément reconnu de la pratique religieuse (…) L’Etat du Texas n’a clairement aucune raison convaincante pour justifier ces nouvelles règles. Elles n’ont pas été promulguées pour des raisons sanitaires, mais pour harceler et accabler les femmes qui mettent un terme à leur grossesse. »

Longs procès et happenings trollesques

Si le Texas met en pratique les mesures et demande que les frais d’enterrement soient pris en charge, d’une manière ou d’une autre, par la personne ayant eu recours à l’IVG, « nous ferons immédiatement un procès, et nous gagnerons », promet Lucien Graves. Des associations texanes estiment que le coût d’un enterrement serait de plusieurs milliers de dollars et pensent, à l’instar du Center for Reproductive Rights, que tout cela « va très certainement générer des procès très coûteux ».

Derrière l’image « sataniste », avec toutes les idées reçues un peu bancales que ça implique, le Satanic Temple relève moins de la secte à la Anton LaVey que d’une organisation activiste, branchée sur Internet, capable de faire à la fois des happenings « trollesques » et d’utiliser des moyens légaux contre l’intrusion de la religion dans les législations des Etats américains les plus conservateurs.

Elle s’est fait une spécialité de médiatiser ses luttes contre des mesures anti-IVG comme au Texas ou auparavant dans le Michigan, où ils avaient manifesté aux côtés du Planning familial américain en traînant une immense croix dans les rues d’Ann Harbor, avec des hommes déguisés en prêtres renversant du lait sur des femmes à genoux.

The Satanic Temple of Detroit - Political Theatre Against Pro-Life Day Of Protest
Durée : 03:22

Ce « théâtre politique radical », mis en scène dans le but de choquer médiatiquement, s’accompagne de tentatives plus sérieuses, comme la multiplication de procès au niveau local. Le Satanic Temple avait par exemple poursuivi l’Etat du Missouri, où les législateurs voulaient imposer une « période de réflexion » de 72 heures et la lecture d’une « brochure de consentement » avant toute procédure d’avortement. Là aussi, le motif était l’empiétement sur la liberté religieuse. Le procès, qui a duré près d’un an, a finalement été rejeté. Non pas sur le fond, mais uniquement parce que la plaignante « n’était plus enceinte » au moment de la décision du juge.

Pendant l’été, la Cour suprême a invalidé une loi du Texas qui imposait aux cliniques pratiquant des avortements de posséder un plateau chirurgical digne d’un milieu hospitalier, ce qui a entraîné la fermeture de plusieurs dizaines d’entre elles depuis deux ans.

Cela a été considéré comme une victoire par les défenseurs du droit à l’IVG, qui rappellent dans le même temps qu’au niveau local, plus de 200 lois restrictives ont été adoptées depuis 2012 : notification et présence parentale pour les mineures, délai supplémentaire de réflexion, lecture d’un texte qui informe la femme que le père de l’enfant peut être contraint de subvenir à ses besoins ou écoute et visualisation de l’échographie au moment de l’examen.