Sepp Blatter, le 20 juillet 2015. | FABRICE COFFRINI / AFP

Après trois mois et demi d’attente, Joseph « Sepp » Blatter va enfin savoir. Lundi 5 décembre, à 15 heures, le tribunal arbitral du sport (TAS) rendra sa décision quant au conflit qui oppose l’ex-président de la Fédération internationale de football (FIFA), au pouvoir de 1998 et 2015, et son ancienne organisation, qui l’a suspendu six ans.

Le 25 août, l’ex-patron du foot mondial, 80 ans, avait été entendu par les « juges » de Lausanne durant quatorze heures. Avec éloquence et habileté, le patriarche suisse avait plaidé sa cause, escorté par son avocat zurichois, Lorenz Erni, qui compte parmi son illustre clientèle le réalisateur Roman Polanski.

Cette audition était censée mettre un point final au litige entre le Valaisan et l’organisation planétaire, dont il était salarié depuis 1975. Le panel des arbitres devait se pencher sur ladite affaire du paiement de 2 millions de francs suisses (1,8 million d’euros), versé en février 2011, par Sepp Blatter, alors numéro 1 de la FIFA, à son ex-ami et allié Michel Platini.

Défense acharnée

Cette transaction a amorcé la chute de l’octogénaire – pourtant réélu pour un cinquième mandat, le 29 mai 2015, avant d’annoncer son abdication prochaine, quatre jours plus tard – et de son homologue français de l’Union des associations européennes de football (UEFA), jadis unis dans la conquête de l’instance faîtière du football par l’Helvète, en 1998. Une dégringolade qui s’apparente à une tragédie shakespearienne.

Le 9 mai, l’ex-numéro 10 des Bleus avait vu sa suspension allégée de deux ans par le TAS, qui avait pris sa décision après un délai de réflexion de… dix jours. Ce qui équivalait à une radiation de quatre ans. Cette sanction avait scellé la fin de la carrière politique de l’ancien capitaine de l’équipe de France. A la demande de la FIFA, Sepp Blatter avait témoigné devant les juges de Lausanne, le 29 avril, lors de l’audience de Michel Platini.

En août, l’ex-patron de la Fédération internationale s’était défendu avec acharnement devant le TAS, évoquant l’existence d’un « contrat oral », légal dans le droit suisse, passé avec l’ex-patron de l’UEFA. Dans un ultime baroud d’honneur, il entendait surtout démontrer qu’il n’avait pas cherché à tirer profit de ce « deal », honorant simplement ses dettes.

Le TAS devait une nouvelle fois se pencher sur ladite affaire du versement des 2 millions de francs suisses. Le 24 septembre 2015, le parquet suisse avait ouvert une procédure pénale à l’encontre de Sepp Blatter pour ce versement « déloyal » effectué « prétendument » pour des travaux réalisés par Michel Platini lorsqu’il officiait (entre janvier 1999 et juin 2002) comme conseiller du président de la FIFA. Le 8 octobre 2015, le tandem avait été suspendu provisoirement quatre-vingt-dix jours par le comité d’éthique de l’instance faîtière du ballon rond.

A l’instar de son ancien dauphin, Sepp Blatter avait été révoqué, le 21 décembre 2015, pour huit ans pour « abus de position », « gestion déloyale » et « conflit d’intérêt » par le comité d’éthique en vertu de ce fameux versement de 2011 « sans base légale dans le contrat signé par les deux parties le 25 août 1999.

« Toute autre décision qu’une confirmation de la peine serait incroyable »

La partie n’est-elle pas déjà jouée pour Sepp Blatter ? « Cette audience ne changera rien, soufflait, fin août, un dirigeant de la FIFA. Les faits sont clairs et nets. Je commenterai cet épisode en pensant à Don Quichotte et Sancho Panza de Cervantes qui se battaient contre des moulins à vent. » « J’espère un verdict digne et juste, ajoute aujourd’hui cette même source. Toute autre décision qu’une confirmation de la peine serait incroyable et honteuse ! »

La décision du TAS doit être rendue alors que Sepp Blatter est par ailleurs inculpé par la justice suisse dans un autre dossier. Depuis septembre 2015, le ministère public de la Confédération helvétique (MPC) le « soupçonne d’avoir signé un contrat défavorable à la FIFA avec l’Union caribéenne de football », présidée par le Trinidadien Jack Warner, ex-patron de la Confédération d’Amérique du Nord et des Caraïbes (Concacaf), radié à vie par la FIFA. Résilié en 2011, ce contrat octroyait les droits télévisés des Mondiaux 2010, en Afrique du Sud, et 2014, au Brésil, à la CFU pour 600 000 dollars (536 000 euros).

Par ailleurs, la FIFA a révélé, le 3 juin, les conclusions d’une enquête interne réalisée par le cabinet californien Quinn Emanuel, qui défend ses intérêts. Ce rapport mettait au jour le versement, entre 2011 et 2015, de 80 millions de dollars (71 millions d’euros)- « en augmentation de salaire annuel, bonus liés aux Coupes du monde et autres avantages »- à Sepp Blatter, à son secrétaire général français, Jérôme Valcke (2007-2015), radié dix ans, et à l’Allemand Markus Kattner, directeur financier et secrétaire général par intérim de l’instance, licencié le 23 mai pour des « manquements » dans ses activités. Une procédure a été ouverte par le comité d’éthique de la FIFA contre les trois anciens dirigeants.

D’un optimisme à toute épreuve, Sepp Blatter devrait s’exprimer dans un communiqué après le verdict du tribunal arbitral du sport. « Je vais lutter jusqu’au bout, confiait-il au Monde, en décembre 2015, au moment de faire appel devant le TAS. Et s’il le faut, j’irai jusque devant la justice suisse. » Dans un dernier baroud d’honneur.