Leur nom est à lui seul tout un programme : Nova Ideo, Democracy OS ou Fluicity… Souvent lancées par des entrepreneurs français passionnés par la vie publique, ces plates-formes ont pour ambition de « renouveler la démocratie » quand elles ne proposent pas carrément d’« ubériser la vie politique ».

Elles s’inscrivent dans le vaste mouvement de la civic tech, en effervescence partout dans le monde, qui veut mettre les outils numériques au service d’une participation plus large des citoyens à la vie publique.

Les multiples initiatives affichent des objectifs variés : plate-forme de coconstruction de la loi comme Assemblou Nova Ideo, dispositifs proposés aux municipalités par Neocity ou Vooter, site de lobbying citoyen à la manière de Make.org… Certains acteurs viennent d’associations où ils militent depuis longtemps, d’autre, plus opportunistes, surfent sur la vague.

Au carrefour de l’innovation et du service public, les entreprises de la civic techfrançaise testent les modèles économiques face à leurs concurrentes anglo-saxonnes. Cap Collectif, qui a fourni l’outil de consultation sur la loi sur la République numérique, mise sur « une levée de fonds auprès d’investisseurs pour financer les 200 fonctionnalités en attente », explique Cyril Lage, son cofondateur, qui défend une logique de logiciel propriétaire. D’autres, comme Democracy OS, utilisent le ­logiciel libre « dans un souci de transparence et d’amélioration de l’outil » et facturent l’accompagnement.

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Cœur du réacteur de la démocratie participative

« Le secteur est en ébullition, mais toutes les structures n’ont pas la robustesse économique qu’attendent les acteurs publics », constate Emmanuel Grégoire, adjoint à la Mairie de Paris, qui prépare l’ouverture d’un incubateur consacré à ces start-up « citoyennes ». Pour l’élu, « une collectivité doit pouvoir garder la main sur le cœur du réacteur car son prestataire peut fermer la porte à tout moment ».

Le cœur du réacteur de la démocratie participative, c’est justement la gestion des données et l’accès au code source des logiciels, des questions techniques qui nourrissent des débats de fond : comment s’assurer de l’efficacité des consultations ? Sur quels critères garantir leur transparence ? Dans quel pays les données sont-elles stockées, et qui peut y avoir accès ?

Pour aider les services publics à se repérer, Etalab, la mission qui pilote la politique d’ouverture et de partage des données publiques, prévoit de mettre en ligne une « boîte à outils » pendant le sommet mondial du Partenariat pour un gouvernement ouvert (PGO), du 7 au 9 décembre. Le site référence plus de 1 200 solutions, en France et à l’étranger, avec pour chacune leurs caractéristiques techniques et leur modèle économique.

Le portail prévoit aussi un lien direct vers des plates-formes de consultation qui, en échange d’un accès facilité aux marchés publics, s’engagent sur une liste de bonnes pratiques comme l’accès aux données et leur stockage en France. Après un vif débat, la liste n’exclut finalement pas les logiciels propriétaires. « Pour des votes simples et publics, on peut vérifier la transparence des consultations avec l’ouverture des données, prévient-on à Etalab. Mais plus ce sera complexe, plus il ­faudra du logiciel libre. »