L’examen en première lecture du projet de loi de finances (PLF) à l’Assemblée nationale avait donné lieu à de multiples frictions entre la majorité et le gouvernement, ce dernier étant à plusieurs reprises pris à revers. Le projet de loi de finances rectificative (PLFR), dont la discussion commence lundi 5 décembre, pourrait bien voir les mêmes scènes se reproduire. Plusieurs amendements ont été adoptés en commission des finances, dont certains sont des copies conformes ou presque de dispositions auxquelles le gouvernement avait opposé un avis défavorable lors du PLF.

C’est ainsi le cas d’un amendement défendu par le député (PS) de Paris Pascal Cherki, une des figures de proue des frondeurs, visant à instaurer un mécanisme de déclaration par les plateformes collaboratives (type Airbnb) des revenus perçus par les utilisateurs. Pour son auteur, il s’agit de « chercher des équilibres afin que le marché locatif pour les particuliers ne soit pas déstabilisé et que la concurrence reste loyale entre ce type d’activité et les hôtels ». La discussion avait déjà été menée dans l’Hémicycle à l’occasion de l’examen du PLF, mais le député de Paris avait fini par retirer son amendement. Cette fois, il a reçu en commission l’appui remarqué du président (LR) de la commission des finances, Gilles Carrez, pour qui l’absence de déclaration des revenus « engendre une distorsion de concurrence massive qui aura des effets sur l’emploi en entraînant des faillites à répétition dans l’hôtellerie ».

Encourager le financement des PME

Autre amendement qui effectue son retour après avoir été rejeté un mois plus tôt : la taxe sur les recettes publicitaires des éditeurs de services de médias audiovisuels à la demande (type iTunes) ou des plateformes communautaires (comme YouTube ou Daily Motion). Là aussi, cette « taxe YouTube » avait été repoussée par le gouvernement. Le secrétaire d’Etat au budget, Christian Eckert, avait émis de sérieux doutes sur l’efficacité de ce dispositif, particulièrement lorsque l’opérateur est basé en dehors du territoire. Le même débat va immanquablement resurgir.

Une des dispositions majeures de ce PLFR concerne la création d’un compte PME innovation (CPI) destiné à encourager le financement des PME, en particulier par les « investisseurs providentiels » (business angels). A l’origine, c’est l’ancien ministre de l’économie, Emmanuel Macron, qui avait travaillé le projet, sous l’appellation de « compte entrepreneur investisseur ». Après son départ du gouvernement, c’est Michel Sapin qui a repris le dossier, et l’a sérieusement édulcoré, rendant les conditions d’accès au CPI extrêmement restrictives. En outre, là où son prédécesseur souhaitait éviter que les plus-values de cession déposées sur le compte entrepreneur investisseur soient éligibles à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), l’actuel ministre de l’économie, lui, prévoit un simple report de la taxation des plus-values.

Ce point clé du PLFR devrait donner lieu à de vives discussions en séance. Plusieurs amendements ont été adoptés en commission, avec la bienveillance de la rapporteure générale, Valérie Rabault (PS), visant à élargir les conditions d’accès au CPI. D’autres, portant sur l’exclusion de l’assiette de l’ISF de tout ou partie du compte, ont été retirés mais seront redéposés lors du débat dans l’Hémicycle. Le gouvernement lui-même, prenant en considération les critiques qui se sont d’ores et déjà exprimées sur son projet, s’apprête à déposer plusieurs amendements visant à assouplir son propre texte.

Loin d’être une formalité, ce dernier collectif budgétaire du quinquennat, alors que toutes les têtes sont déjà tournées vers les échéances politiques à venir et que la majorité ne cesse de s’émietter, pourrait encore réserver quelques soubresauts. La question étant de savoir si le gouvernement dispose encore d’une quelconque autorité pour éviter que ça parte dans tous les sens.