Manifestation, le 11 septembre, à Lannion, contre l’exploitation d’une dune sous-marine dans les Côtes-d’Armor. | FRED TANNEAU / AFP

Le Conseil d’Etat a tranché. Il a rejeté, lundi 5 décembre, les recours des associations et de la commune de Lannion (Côtes-d’Armor) contre l’extraction de sables coquilliers. La Compagnie armoricaine de navigation (CAN) va pouvoir reprendre l’exploitation du sable calcaire de la dune sous-marine située dans la baie de Lannion, destiné à amender les terres agricoles pour baisser leur acidité. Lors de l’audience du 9 novembre, le rapporteur public avait déjà recommandé de rejeter les deux recours déposés par les opposants à cette activité minière.

La décision de la haute juridiction administrative ne règle cependant pas tout dans ce dossier qui donne lieu, depuis des années, à une bataille juridique et à de fortes mobilisations sur le terrain. La dernière fois que la CAN, filiale du groupe breton Roullier, s’est essayée à envoyer son navire sur la zone, de nuit, les 6 et 7 septembre, elle avait déclenché en réaction une manifestation de 4 000 à 5 000 personnes le dimanche suivant à Lannion ; une autre avait eu lieu le 30 octobre.

L’armateur est autorisé à prélever au maximum 250 000 mètres cubes par an de ce gisement pendant quinze ans. Le Conseil d’Etat reconnaît que « cette exploitation aura une incidence sur l’environnement », mais ajoute qu’il ne lui a pas été démontré « qu’il existait une alternative crédible à l’utilisation de ces sables ».

Répercussions sur l’environnement et l’économie

L’agglomération Lannion Trégor qui regroupe 38 communes, dix autres communes autour de la baie et l’association Trébeurden patrimoine environnement représentant le collectif d’opposants Peuple des dunes en Trégor sont à l’origine de ces requêtes devant la justice administrative. Cependant, le décret accordant cette concession minière, signé par l’ancien ministre de l’économie, Emmanuel Macron, en septembre 2015, fédère contre lui l’ensemble des élus de la Côte de granit rose.

Ce rejet unanime n’est pas seulement motivé par le souci de la préservation de l’environnement, mais aussi par crainte des répercussions économiques. Le panache de turbidité que va générer l’activité et surtout la destruction d’une dune de sable coquillier réputée pour servir de frayère aux poissons risquent d’avoir des conséquences importantes, à la fois pour les professionnels du tourisme dans une région très attractive, pour les pêcheurs et pour les oiseaux de la réserve naturelle des Sept-Îles, toute proche. Le tout entre deux zones classées Natura 2000.

Ce dossier a une dimension exemplaire qui a interpellé la ministre de l’environnement. Le 12 septembre, Ségolène Royal a reçu des représentants du Peuple des dunes et trois élus socialistes bretons : le président de la communauté de communes Joël Le Jeune, la députée Corinne Erhel et le sénateur Yannick Botrel.

La ministre a commandé un rapport

Dès le lendemain, la ministre a commandé un rapport au Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) sur les « conditions d’exploitation du gisement de sables coquilliers de Lannion ». Cette forme de coup de pouce n’a pas eu l’effet escompté.

De fait, les deux inspecteurs du CGEDD sont très prudents dans leur analyse du dossier. Ils rappellent certes que le projet « a rencontré depuis le début une très vive opposition », notent que les études d’impacts sont insuffisantes. Ils constatent que la dune abrite effectivement des lançons juvéniles et recommandent donc de suspendre l’exploitation d’avril à août inclus.

Ils suggèrent enfin que les deux équipages de la CAN – douze marins au total – pourraient peut-être s’approvisionner davantage dans les autres concessions que l’armateur exploite en Bretagne. Mais ils concluent néanmoins que celui-ci n’a pas failli aux conditions que lui ont fixé les divers arrêtés des préfets des Côtes-d’Armor et du Finistère. Bref une concession d’extraction en mer dommageable sans doute, mais pas illégale.