Des habitants d’Antananarivo jouent à la pétanque le 25 novembre 2016. Le pays vient d’être sacré champion du monde. | GIANLUIGI GUERCIA/AFP

« Une conférence historique » pour Madagascar : c’est avec ces mots que le président malgache Hery Rajaonarimampianina a salué le soutien promis par les bailleurs de fonds étrangers à l’issue de la réunion organisée à Paris les 1er et 2 décembre.

La Banque mondiale, la Banque africaine de développement (BAD), l’Union européenne, les agences des Nations unies et quelques bailleurs bilatéraux dont la France ont été au-delà des attentes du chef de l’Etat, qui peut désormais se prévaloir de leur appui pour remettre sur pied une économie mise à mal par cinq années de crise politique et lancer un plan de développement qui promet de transformer la vie des Malgaches dont la grande majorité vit dans la pauvreté.

Le chiffre de 6,4 milliards de dollars (5,9 milliards d’euros) annoncé mérite cependant d’être examiné en détail. S’il est supérieur aux 5,6 milliards de dollars recherchés par le gouvernement, il s’agit pour partie seulement d’argent nouveau. La Banque mondiale, qui a fait la plus grosse annonce avec 1,3 milliard de dollars pour les trois prochaines années, avait déjà indiqué en février être en mesure de mobiliser 690 millions de dollars pour soutenir les couches les plus vulnérables de la population.

De la même façon, l’Union européenne avait annoncé en novembre 2015 une enveloppe de 518 millions d’euros sur cinq ans coïncidant avec la reprise officielle de l’aide suspendue après le renversement du président Marc Ravalomanana par l’ancien maire d’Antananarivo, Andry Rajoelina en mars 2009. « Les conférences de donateurs ressemblent aux concours de beauté. C’est à qui fera la plus grosse annonce. Ce ne sont que des promesses. Ce chiffre montre seulement que les bailleurs sont bien disposés à l’égard de Madagascar et c’est déjà un bon signal », commente un observateur de l’aide internationale.

10 % des routes en bon état

Le décaissement réel de cette aide composée de dons et de prêts à faible taux d’intérêt est en effet suspendu à une longue liste de conditions : projets solides, transparence des procédures, contrôle financier… De l’avis des bailleurs, « la capacité d’absorption » de l’administration malgache avoisine aujourd’hui 500 millions de dollars par an. Depuis 2013, cette somme a été atteinte chaque année. Passer à la vitesse supérieure suppose de muscler les moyens de l’Etat malgache.

Une chose est sûre cependant : l’aide extérieure redevient le principal outil de financement des politiques publiques. « Nous n’avions pas mesuré l’impact qu’aurait notre retrait », reconnaissait vendredi à Paris le représentant d’un des pays donateurs. Entre 2009 et 2013, l’aide a chuté d’environ 30 % et s’est déplacée vers des programmes humanitaires. Les infrastructures se sont détériorées. En plus des dégâts liés aux cyclones, des coupes budgétaires ont aggravé l’état des routes et des infrastructures d’approvisionnement en eau et en électricité.

Le plan national de développement (PND) sur lequel Hery Rajaonarimampianina promet de bâtir « un nouveau Madagascar » est censé faire repartir le pays dans la bonne direction. Sur bien des plans, Madagascar démarre quasiment de zéro. Le programme d’investissements dans les infrastructures dessine en creux tout ce qui a été défait ou n’a jamais été fait au cours des dernières décennies. Sur les 31 640 km de routes, seuls 10 % sont en bon état et un tiers à peine sont praticables toute l’année. La remise en circulation du canal des Pangalanes qui s’étend sur 700 km le long de la côte doit ainsi être relancée. La construction de routes pour désenclaver des territoires et accroître la production agricole est également inscrite parmi les priorités des prochaines années. Alors que le pays souffre de la faim – 1,2 million de personnes sont sous assistance du Programme alimentaire mondial dans le sud de l’île –, seules 5 % des terres arables sont exploitées.

Message d’espoir

Inscrits aussi à l’inventaire : la création de six zones économiques spéciales bénéficiant de conditions d’investissement avantageuses et d’une main-d’œuvre à 40 dollars le mois, l’ouverture de 40 concessions à l’exploration pétrolière offshore, la remise en ordre des filières de production des pierres précieuses dont l’essentiel est aujourd’hui exporté illégalement, la construction de nouvelles infrastructures énergétiques…

« Nous envoyons un message d’espoir aux Malgaches », s’est félicité le président de la BAD, Akinwumi Adesina en annonçant une contribution de 1 milliard de dollars au Plan national de développement.

Espoir ? La presse malgache est restée prudente et célébrait plus volontiers, lundi matin, le titre de champion du monde de pétanque décroché face au Bénin que les lendemains qui chantent du PND. A preuve du contraire, les Malgaches se font peu d’illusions sur la volonté de leurs dirigeants comme sur la capacité de l’aide extérieure à changer leur quotidien. Pour répondre aux risques de corruption et de détournement, M. Rajaonarimampianina a promis la création d’« une structure de suivi ».

« Il va falloir gérer minutieusement les annonces de Paris, admet un bailleur. Les Malgaches qui travaillent dur pour pouvoir se payer un repas par jour ne comprendront pas que ces milliards de dollars n’aient aucune retombée concrète pour eux. »

C’est à ce prix qu’il sera possible d’affirmer que la conférence de Paris était « historique ».