Julia Roy, repérée par Benoît Jacquot dans un amphithéâtre, lors d’une master class. | Alfama Films

Face à Julia Roy, on comprend ce qui a motivé Benoît Jacquot à la faire tourner. Mieux, d’en faire le personnage principal de son dernier film, À jamais, adaptation de The Body Artist, de l’écrivain américain Don DeLillo. L’actrice de 26 ans a une beauté particulière, envoûtante : une fraîcheur (lèvres roses et grands yeux clairs) doublée d’un je-ne-sais-quoi très carnassier. D’elle, Jacquot dit : « Je l’ai vue arriver lors d’une master class que je donnais à Sciences Po. Alors que des centaines de personnes y assistaient, elle se démarquait par sa seule présence. Elle s’est approchée et m’a annoncé qu’elle voulait faire l’actrice. Avec moi ! Ce qui est toujours gratifiant. J’ai trouvé cela irrésistible », raconte celui dont la filmographie s’est construite en révélant des jeunes inconnues : Judith Godrèche, Virginie Ledoyen, Isild Le Besco, Léa Seydoux, entre autres.

Née à Paris le 12 décembre 1989, Julia Roy part vivre en Autriche (le pays de sa mère) à l’âge de 8 ans et ne revient à Paris que onze ans plus tard. Entre-temps, elle prend des cours de théâtre et, adolescente, passe ses nuits à visionner des films anxiogènes (« je suis de nature angoissée, cela me calme »). Et ceux de Benoît Jacquot. « J’aime particulièrement l’austérité de son premier film, L’Assassin musicien, mais aussi La Désenchantée, La Fille seule, Au fond des bois. »

Habiter l’histoire qu’elle a écrite

À jamais est l’histoire d’un coup de foudre entre Laura (Julia Roy) et Rey (Mathieu Amalric), brisé net par la mort de ce dernier. « J’avais ce projet, apporté par le producteur Paulo Branco, d’adapter le livre de Don DeLillo mais, faute de visage à mettre dessus, il ne s’était pas réalisé, explique Jacquot. En voyant Julia Roy, j’ai eu le sentiment très intuitif que cela pourrait marcher avec elle. Elle m’a montré des scénarios qu’elle avait écrits. Je lui ai proposé, comme on jette des dés, d’en écrire un à partir de The Body Artist. C’était un premier geste de mise en scène puisque je lui donnais la responsabilité de construire son personnage, d’écrire l’histoire du film où elle habiterait. Elle fait partie de ces acteurs qui portent un monde. »

« Écrire était une thérapie anticipée, une façon de conjurer le sort. » Julia Roy

Quand Benoît Jacquot lui confie cette mission, Julia Roy n’a à son actif qu’un petit rôle dans Arrête ou je continue, de Sophie Fillières (2014). « Enfermée chez moi, j’ai écrit cette histoire de fille isolée. Comme être seule est toujours quelque chose d’agréable, j’y ai pris beaucoup de plaisir, se souvient-elle. Et puis j’aimais ce personnage, sa force, son courage, tout autant que sa certitude de devoir passer par toutes sortes d’étapes, dont la schizophrénie, pour survivre à la mort de son homme. Le deuil est un sujet passionnant. Qu’une période de votre vie puisse se terminer me bouleverse. Et perdre quelqu’un qu’on aime est, je pense, la pire des choses : d’une certaine manière, écrire était une thérapie anticipée, une façon de conjurer le sort. »

Ensuite, tout a été très vite. Tournage d’un mois, en décembre 2015. « Benoît dirige de façon très subtile et discrète, confie-t-elle, heureuse, déjà, de le retrouver, en février, pour Eva, d’après le roman policier de James Hadley Chase. Isabelle Huppert y reprendra le rôle-titre, tenu par Jeanne Moreau dans l’adaptation de Joseph Losey en 1962. Julia Roy, celui de Virna Lisi. Deux femmes en compétition pour un même homme.

« À jamais », de Benoît Jacquot, avec Mathieu Amalric, Julia Roy, Jeanne Balibar. 1 h 30. En salle le 7 décembre.

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La bande-annonce de « À jamais »

Film Annonce - A Jamais de Benoit Jacquot
Durée : 01:44