Donald Trump, le 31 octobre. | JEFF KOWALSKY / AFP

Editorial. Va-t-il falloir s’habituer outre-Atlantique à un nouveau mode de gouvernement, le gouvernement par Twitter ? Avec ses 16 millions d’abonnés, Donald Trump avait fait du réseau social, pendant sa campagne, une arme électorale massive. Victorieux, il a indiqué qu’il entendait conserver ce mode de communication directe « avec le peuple ». Pendant la période de transition qui sépare l’élection de son investiture, le 20 janvier, le président élu vient d’appliquer à la Chine une nouvelle forme de communication entre Etats : la diplomatie du Tweet.

En l’espace de trois jours, M. Trump a monté une double offensive contre Pékin. Vendredi 2 décembre, rompant avec quatre décennies de pratique diplomatique américaine, il a eu un entretien téléphonique substantiel avec la présidente de Taïwan, Tsai Ing-wen, qui l’appelait pour le féliciter de son élection. La règle observée à Washington, depuis la reconnaissance de la Chine communiste comme « unique Chine », est de ne pas entretenir de relations officielles avec Taipei, malgré les liens militaires qui unissent Taïwan et les Etats-Unis. Devant le tollé soulevé par cette initiative, le président élu s’est étonné sur Twitter, avec un certain bon sens, qu’on ne puisse pas prendre au téléphone la dirigeante d’un pays auquel on livre 8 milliards de dollars d’armement.

Pékin a attendu 24 heures pour protester auprès du département d’Etat. Dimanche, la presse chinoise s’est jointe à la critique de ce revirement apparent. Donald Trump a alors enfoncé le clou, par un double Tweet : « Est-ce que la Chine nous a demandé s’il était OK de dévaluer sa monnaie (rendant nos entreprises moins compétitives), de taxer lourdement nos produits à l’entrée dans le pays (les Etats-Unis ne les taxent pas), ou de construire un complexe militaire massif au milieu de la mer de Chine méridionale ? Je ne crois pas ! »

Politique guidée par les intérêts américains

Les experts de politique étrangère, que M. Trump et son équipe méprisent allègrement, ont d’abord pensé à une gaffe de néophyte. Les entourages du président élu et de la présidente taïwanaise ont alors fait savoir que l’entretien téléphonique avait été soigneusement préparé. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que Donald Trump prend position sur Taïwan.

En l’absence d’explication de plus de 140 signes, le reste du monde en est réduit aux spéculations

En l’absence d’explication de plus de 140 signes, le reste du monde, largement concerné par l’évolution de la relation sino-américaine, en est réduit aux spéculations. Nous supposerons donc que M. Trump a voulu, en prenant Mme Tsai au téléphone, montrer à la Chine, avant même que ne commence le dialogue sérieux, après l’investiture, que le choix de ses interlocuteurs se décide à la Trump Tower, pas à Pékin. Sa deuxième salve de Tweet était, elle, destinée à montrer que « America First » est davantage qu’un slogan : la politique américaine sera guidée par les intérêts américains, et notamment ceux des entreprises américaines.

Dans « l’art du deal » cher au milliardaire Trump, cela peut être une posture de départ dans la négociation. Mais la Chine est un partenaire complexe. Très inquiets de l’image de héraut de l’antimondialisation que le candidat Trump s’est forgée, les dirigeants chinois détestent par-dessus tout l’imprévisibilité. Ses voisins, alliés des Etats-Unis, craignent par-dessus tout une Chine poussée dans ses retranchements. Il faut espérer que, une fois à la Maison Blanche, Donald Trump aura autour de lui une équipe au fait de ces réalités, apte à communiquer de manière plus profonde.