Une des installations du Croissant pétrolier, près de Sidra (Libye), en janvier. | AFP

De combats ont éclaté mercredi 7 décembre en lisière occidentale du Croissant pétrolier, la principale plate-forme d’exportation du brut libyen. Les affrontements interviennent au lendemain de la proclamation de la « victoire » contre l’organisation Etat islamique (EI) à Syrte par les forces loyales au gouvernement d’union nationale de Faïez Sarraj.

Ces nouveaux combats n’ont pas grand-chose à voir avec l’organisation djihadiste défaite, mais s’inscrivent dans l’escalade de la tension entre les deux blocs politico-militaires qui se disputent la Libye : l’Ouest, qui reconnaît à des degrés divers l’autorité de M. Sarraj, activement soutenu par les chancelleries occidentales et les Nations unies, et l’Est dirigé par le maréchal Khalifa Haftar (récemment promu à ce grade) défiant ouvertement l’autorité de M. Sarraj.

Selon des officiels de l’Est cités par les agences de presse, une colonne formée par des combattants de la Brigade de défense de Benghazi a attaqué la ville de Ben Jawad, située à 25 km à l’ouest de Sidra, le premier des ports de l’arc de terminaux où transite près de la moitié du brut libyen exporté. Les assaillants auraient tenté dans la foulée d’enlever Sidra mais auraient été repoussés par les défenses locales.

Cette zone est tenue depuis septembre par les forces loyales au maréchal Haftar, qu’elles avaient prise à une milice ayant prêté allégeance au gouvernement de M. Sarraj dès l’installation de ce dernier fin mars à Tripoli avec l’aide des Occidentaux. La conquête du Croissant pétrolier par le maréchal avait représenté le plus gros défi jusqu’alors lancé à l’autorité de M. Sarraj. Quiconque contrôle cette région pétrolière prend un avantage décisif dans l’équilibre des forces en Libye.

Officiellement, la Brigade de défense de Benghazi n’a pas de relation formelle avec le gouvernement de M. Sarraj. Elle s’inscrit dans l’héritage des katibas « révolutionnaires », fidèles aux idéaux de la révolution anti-Kadhafi déclenchée en février 2011. Elle est issue du Conseil de la choura des révolutionnaires de Benghazi, un conglomérat de groupes hostiles à M. Haftar et au sein des groupes islamistes extrémistes, voire djihadistes, exerçaient une influence significative. Depuis le printemps, M. Haftar leur avait infligé de lourdes pertes à Benghazi, notamment grâce au soutien d’unités spéciales françaises, britanniques et américaines, qui inscrivaient cette assistance dans le cadre de la « lutte anti-EI ».

Divergences officielles

Selon plusieurs analystes, la prise du Croissant pétrolier par le maréchal Haftar en septembre a précipité une reconfiguration des groupes qui lui hostiles, à travers notamment des liens noués entre la Brigade de défense de Benghazi et le ministre de la défense de M. Sarraj, Mahdi Al-Barghathi. Dans un communiqué diffusé mercredi après-midi, le Conseil présidentiel, l’instance dirigeante du gouvernement d’union de M. Sarraj, a toutefois nié toute implication dans les combats à proximité du Croissant pétrolier. Ce communiqué pourrait signifier l’existence de tensions entre M. Sarraj et son ministre de la défense.

Quoi qu’il en soit, le regain d’instabilité à proximité du Croissant pétrolier relance l’incertitude autour de la reprise des activités pétrolières constatée depuis la conquête de la zone par le maréchal Haftar. Après avoir plongé sous la barre des 300 000 barils par jour, soit 18 % de son niveau de 2010, la production avait connu un rebond depuis octobre, doublant quasiment jusqu’à 600 000 barils par jour.