Traitement préventif contre le virus Zika dans la région de Panama, en février. | CARLOS JASSO / REUTERS

La déforestation n’est pas seulement une menace pour la biodiversité. Elle affecte aussi notre santé. En raison des activités humaines induites par l’exploitation de la forêt, de nouvelles pathologies infectieuses émergent dans les pays tropicaux, affirme une étude publiée mercredi 7 décembre dans Science Advances.

Ce rapport, conduit par les chercheurs de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et de l’université de Bournemouth (Royaume-Uni), met pour la première fois en évidence les mécanismes qui entraînent l’apparition de ces infections. « Depuis trente ou quarante ans, on observe des nouvelles maladies infectieuses émergentes, principalement en zones intertropicales, explique Jean-François Guégan, coauteur de l’étude et directeur de recherche à l’IRD. On savait déjà que les activités humaines et ces maladies étaient corrélées, mais aujourd’hui on a réussi à comprendre les processus qui aboutissent à cette corrélation. »

Désorganisation des communautés animales

Pour mener leurs recherches, les scientifiques se sont concentrés sur une bactérie de la même famille que celle de la lèpre et de la tuberculose, Mycobacterium ulcerans, responsable de l’ulcère de Buruli. Cette maladie chronique, qui sévit principalement en Afrique subsaharienne et en Amérique du Sud, se traduit par une nécrose de la peau accompagnée d’ulcères.

Cette bactérie vivant dans les marécages, les chercheurs ont observé pendant trois ans une vingtaine de sites aquatiques en Guyane française, tous soumis à des pressions anthropiques différentes. En comparant les sites affectés par l’activité humaine et les sites intacts, ils ont cherché à comprendre ce qui intervenait dans l’émergence de la mycobactérie. Ils ont alors identifié, sur les sites où la pression de l’homme a été forte, une modification significative des communautés animales et de la chaîne alimentaire.

« Lors de passage humain, on observe un changement radical et rapide de la structure des espèces, explique Rodolphe Gozlan, coauteur de l’étude et directeur de recherche à l’université de Bournemouth. On passe alors d’un milieu équilibré et stable à un système dégradé, ce qui favorise les espèces porteuses de la bactérie. » La déforestation a notamment pour effet d’entraîner des changements très rapides du milieu aquatique : la température de l’eau varie, la lumière augmente, etc.

« Les conditions changent, confirme Jean-François Guégan. Certaines espèces de prédateurs, comme des poissons, disparaissent, tandis que d’autres, profitant de cette disparition, pullulent. » C’est le cas de divers mollusques ou de larves d’insectes qui filtrent et broutent les algues du fond des marécages. « Auparavant, les prédateurs, en se nourrissant de proies porteuses de mycobactérie, débarrassaient l’environnement de cette activité microbienne, détaille le chercheur. Aujourd’hui, ces proies prolifèrent » et les bactéries se concentrent dans les sites les plus affectés par la déforestation et le développement agricole.

Environ 200 nouvelles maladies

Ainsi infestés, les milieux aquatiques se transforment en réservoir de transmission bactérienne. A chaque contact avec ces zones, les populations riveraines sont susceptibles de contracter la maladie. « Le problème, c’est qu’aujourd’hui, dans les zones tropicales, la présence humaine s’intensifie, explique Rodolphe Gozlan. Entre l’augmentation de la démographie et la réduction des espaces vierges, les contacts entre les milieux infestés et les populations sont de plus en plus fréquents. » Les micro-organismes, présents depuis toujours mais abrités par la diversité biologique, sont aujourd’hui découverts par l’activité humaine.

« Nous avons voulu montrer que les systèmes sont connectés, le milieu aquatique a une influence directe sur le milieu terrestre et vice-versa, explique Rodolphe Gozlan. Il est nécessaire de prendre en compte cette connexion lorsque l’on réfléchit à l’aménagement du territoire. »

Pour les chercheurs, il est aujourd’hui impératif de mieux comprendre l’impact des changements environnementaux sur l’ensemble des maladies infectieuses. « Cette étude nous permet de confirmer un modèle qui peut se décliner sur d’autres maladies du même type, poursuit le chercheur. Il faut désormais multiplier le nombre de modèles. » La planète recense environ 200 nouvelles maladies infectieuses, transmises par des virus comme Zika, Ebola ou le VIH.

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