Un magasin Samsung à Séoul, le 6 décembre. | JUNG YEON-JE / AFP

Nouveau rebondissement dans l’interminable guerre des brevets qui oppose Apple et Samsung depuis 2011. Mardi 6 décembre, la Cour suprême des Etats-Unis a invalidé une partie des réparations financières versées par le géant sud-coréen à son rival américain. Cette décision, qui ne porte pas sur le fond de l’affaire, pourrait permettre à Samsung de récupérer jusqu’à 399 millions de dollars (372 millions d’euros).

Le premier fabricant mondial de smartphones avait été reconnu coupable, en août 2012, d’avoir violé plusieurs brevets détenus par Apple. Ces derniers concernaient notamment des éléments de design, comme le boîtier rectangulaire avec les coins arrondis et la grille d’applications, éléments caractéristiques des premiers modèles d’iPhone. Samsung avait été condamné à payer 1,05 milliard de dollars.

D’innombrables appels et recours avaient par la suite ramené cette somme à 930 millions puis à 548 millions de dollars. Fin 2015, après un ultime échec devant une cour d’appel, le groupe avait procédé au paiement. Tout en saisissant la Cour suprême des Etats-Unis, la plus haute juridiction du pays, son dernier recours pour obtenir un remboursement partiel.

Nouveau procès prévu

Samsung remettait en cause la méthode utilisée pour calculer le montant des réparations, qui reposait sur l’interprétation d’une loi votée en 1887. Celle-ci attribue au plaignant l’ensemble des profits réalisés par un produit qui enfreint un brevet relatif au design. La justice américaine avait chiffré ces profits à 399 millions de dollars – les 149 millions restants concernaient des smartphones et tablettes qui n’avaient pas repris l’apparence des terminaux d’Apple.

Devant la Cour suprême, Samsung avait fait valoir que plus de 250 000 brevets différents sont utilisés dans la conception de ses appareils. Et donc que les brevets incriminés n’avaient joué qu’un rôle mineur dans les décisions d’achat des consommateurs. Apple assurait, au contraire, que le succès de son concurrent était directement lié à l’apparence de ses produits, copiée sur celle de l’iPhone.

A l’unanimité, les huit juges de l’institution se sont rangés derrière l’entreprise sud-coréenne. Ils ont estimé « qu’il n’était pas logique de récupérer l’ensemble des profits quand le design breveté ne porte que sur une partie d’un produit », avance Mark McKenna, professeur de droit à l’université de Notre-Dame, en Indiana. Mais les juges ne sont pas allés au-delà. « Ils n’ont pas défini quels éléments doivent servir à établir le montant des réparations », note Brian Love, de l’université de Santa Clara, en Californie.

Les enjeux sont désormais plus symboliques que financiers

L’affaire va donc être renvoyée auprès d’une juridiction inférieure. A moins d’un accord à l’amiable entre les deux rivaux, un nouveau procès se tiendra pour déterminer quelle somme Apple devra rembourser à Samsung. « La décision de la Cour suprême est une invitation à se concentrer sur des éléments plus spécifiques », prédit M. McKenna. Pour M. Love, il est ainsi « probable que les dommages seront abaissés de manière significative ». La procédure devrait perdurer pendant plusieurs mois, voire même plusieurs années.

Parallèlement, une deuxième affaire est également en cours devant la justice américaine. Lancée par Apple, elle porte sur des smartphones et des tablettes un peu plus récents. En mai 2014, Samsung a été condamné à verser 120 millions de dollars au groupe à la pomme. Ce verdict plutôt clément – Apple réclamait plus de 2 milliards – avait été annulé en février 2016 par une cour d’appel. Avant d’être rétabli début octobre.

Pour les deux protagonistes, les enjeux sont désormais plus symboliques que financiers. Malgré ses victoires, Apple n’a en effet jamais obtenu l’interdiction à la vente des smartphones de Samsung sur le sol américain. En 2014, les deux entreprises s’étaient ainsi entendues pour abandonner toutes les poursuites engagées hors des Etats-Unis. Elles ne sont pas les seules. La vaste guerre des brevets à laquelle se livraient depuis des années les acteurs du secteur du mobile a quasiment pris fin avec la multiplication d’accords à l’amiable.

La décision de la Cour suprême était particulièrement attendue par l’ensemble du secteur technologique. Son impact va en effet largement dépasser le simple cadre du conflit opposant Apple et Samsung. Ce dernier avait ainsi obtenu le soutien de Google, de Facebook et de plusieurs autres sociétés de la Silicon Valley. Dans un document adressé à la Cour suprême, elles assuraient qu’un verdict favorable à Apple aurait « un impact dévastateur » car il ouvrirait la voie à une « vague de procédures judiciaires ».

Ces entreprises craignaient notamment un regain d’activité des patent trolls, ces fermes de brevets qui multiplient les actions en justice. « L’intérêt pour les brevets relatifs au design s’est envolé depuis le jugement de 2012, souligne M. Love. Il est désormais probable que les procédures centrées sur le design redeviennent rares. »