Le ministre de la justice de l’Oklahoma, Scott Pruitt, à son arrivée à la Trump Tower à New York, le 7 décembre. | SPENCER PLATT / AFP

Les espoirs sur le fait que Donald Trump puisse mettre de l’eau dans son vin à propos de son scepticisme sur le réchauffement climatique auront été de courte durée. La rencontre, en début de semaine, avec Al Gore, l’ex-vice président de Bill Clinton et farouche militant de l’environnement, avait ouvert de nouveaux horizons qui se sont bien vite refermés avec la nomination, mercredi 7 décembre de Scott Pruitt à la tête de l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA).

L’arrivée à ce poste du ministre républicain de la justice de l’Oklahoma n’est certainement pas une bonne nouvelle pour les écologistes, alors que cet Etat tire 50 % de ses richesses de l’exploitation pétrolière. M. Pruitt a été en effet l’un des architectes de la bataille juridique menée ces dernières années par le Grand old Party (GOP) dans le but de stopper les réformes engagées par Barack Obama pour lutter contre le réchauffement climatique.

A 48 ans, il est devenu en quelques années le bras armé des compagnies pétrolières pour tenter d’infléchir la politique de l’actuelle administration visant à réguler l’extraction énergétique. M. Pruitt a ainsi réussi à lancer des procédures judiciaires contre le plan climat de la Maison Blanche dans vingt-huit Etats. Une Cour fédérale doit prochainement se prononcer sur le sujet, avant que le cas ne soit éventuellement tranché par la Cour Suprême.

« Se débarrasser » de l’EPA

Ce choix est une demi-surprise dans la mesure où les convictions de M. Trump sur le sujet sont sans ambiguïté. Pendant la campagne présidentielle, il n’a pas hésité à affirmer que le réchauffement climatique était un canular entretenu par la Chine pour affaiblir l’économie américaine. Des propos que le milliardaire avait toutefois relativisés, il y a quelques jours, lors d’une interview accordée au New York Times. Il avait en effet reconnu qu’il pouvait y avoir un lien entre l’activité humaine et le réchauffement climatique. Néanmoins, le milliardaire n’est jamais revenu sur l’engagement pris pendant sa campagne électorale d’annuler l’Accord de Paris sur le climat, signé pourtant par les Etats-Unis dans le cadre de la COP21.

Les dernières déclarations de M. Pruitt laissent deviner quelle pourra être son action à la tête de l’EPA. « Les scientifiques continuent d’être en désaccord sur le degré et l’étendue du réchauffement climatique et son lien avec l’action humaine », écrivait-il, il y a quelques mois dans la National Review. « Ce débat devrait être encouragé dans les salles de classe, les forums publics et au Congrès. On ne doit pas faire le silence sur ce sujet en menaçant de poursuites. La dissidence n’est pas un crime ».

Les régulations visant les centrales thermiques à réduire leurs émissions de CO2, qui datent du Clean Air Act de 1970 ne peuvent théoriquement pas être remises en cause. Mais il y a un risque évident que l’une des missions de M. Pruitt consiste à en réduire les contraintes pour les énergéticiens. Il se peut également que le nouveau président ait été nommé pour dissoudre l’EPA, alors que M. Trump avait agité cette menace en promettant récemment de « se débarrasser » de la structure.

Liens avec le lobby de l’énergie

Les liens de M. Pruitt avec le lobby de l’énergie ne sont un secret pour personne. En 2013, Harold Hamm, le PDG de Continental Ressources, une grosse compagnie pétrolière basée dans l’Oklahoma, avait ainsi participé directement sa campagne électorale pour se faire réélire procureur général.

Réagissant à sa nomination, M. Hamm, qui est désormais conseiller de M. Trump pour l’énergie, a déclaré : « Il comprend les contraintes réglementaires que l’EPA a imposées au secteur sous l’administration Obama. » Le dirigeant se dit en outre convaincu que M. Pruitt va agir en faveur de « la prospérité des Etats-Unis grâce à un usage approprié de la réglementation, dans le respect de l’Etat de droit. »

Lors de son premier mandat, en 2010, M. Pruitt avait fait campagne en promettant de limiter l’influence de l’EPA en Oklahoma. Pendant toutes ces années, il a été une précieuse courroie de transmission des revendications des compagnies pétrolières, qui, grâce à lui, ont trouvé un canal officiel pour les faire remonter à Washington.

Opposition de Bernie Sanders

Il est d’autant plus étonnant de voir M. Pruitt nommé à la tête d’une agence fédérale que, dans tous les dossiers énergétiques dans lesquels il s’est impliqué, il a toujours affirmé que les Etats fédérés étaient mieux placés que les structures centrales pour réglementer leurs propres industries.

Le futur leader démocrate au Sénat, Charles Schumer a d’ores et déjà annoncé que la confirmation de sa nomination devant les parlementaires n’irait pas de soi. « Sa réticence à accepter les faits ou la science sur le changement climatique ne pouvait le rendre plus déconnecté du peuple américain et de la réalité », a-t-il déclaré.

Le sénateur du Vermont, Bernie Sanders, candidat malheureux à l’investiture démocrate lors de la dernière élection présidentielle, s’est également alarmé : « Au moment où le changement climatique est une grande menace pour la planète tout entière, il est triste et dangereux que M. Trump nomme M. Pruitt à la tête de l’EPA. » M. Sanders, qui siège à la Commission qui devra confirmer ce choix, a annoncé qu’il s’y opposerait.