Une manifestation en faveur du programme Erasmus à Londres, le 28 juin, cinq jours après le vote de sortie de l’Union européenne. | London News Pictures/Zuma-REA

Bonne nouvelle pour les étudiants qui rêvent de passer un an dans une université britannique. Malgré le Brexit, le Royaume-Uni envisage de rester dans le programme Erasmus, qui fête tout juste ses trente ans. Dimanche 4 décembre, le désormais (mieux) coiffé Boris Johnson – depuis qu’il est ministre des affaires étrangères, il contrôle davantage sa chevelure blonde – l’a dit clairement. « Il y a des aspects de la coopération européenne comme le programme Erasmus, ou le programme Horizon pour la recherche, dans lesquels ce serait une bonne idée de rester. » Il ajoute que Londres paierait naturellement sa contribution budgétaire et que plusieurs pays non membres de l’Union européenne font partie d’Erasmus (Norvège, Islande, Turquie…).

« Le Royaume-Uni restera membre d’Erasmus jusqu’en 2020. Mais ensuite, qui sait ? » Un porte-parole de Universities UK

L’annonce de Boris Johnson n’a rien de formel. Il n’est pas ministre de l’éducation et les déclarations du trublion de la politique britannique sont généralement à prendre avec une « bonne pincée de sel », pour reprendre l’expression anglaise. Universities UK, l’organisme représentant les universités britanniques, se montre prudent. « Nous avons reçu l’assurance du gouvernement que le Royaume-Uni restera membre d’Erasmus jusqu’en 2020, souligne un porte-parole. Mais ensuite, qui sait ? » De son côté, la Commission européenne rappelle que rien ne change tant que le Royaume-Uni ne sera pas effectivement sorti de l’Union européenne, ce qui est prévu actuellement pour le premier trimestre 2019.

Outre-Manche, Erasmus est un excellent exemple de la relation qu’entretiennent les Britanniques avec le « continent ». En 2013-2014, les universités britanniques ont reçu presque deux fois plus d’étudiants européens issus de ce programme (27 000) qu’elles n’en envoient (15 000). En clair, les Européens sont bien plus intéressés par le Royaume-Uni que les Britanniques par le reste de l’Europe. En comparaison, l’Espagne, la France ou l’Allemagne – les pays qui utilisent le plus Erasmus – équilibrent à peu près le flux dans les deux sens. Desiderius Erasmus Roterodamus, l’humaniste hollandais dont le nom fut utilisé pour baptiser le programme, avait lui aussi déjà passé du temps en Angleterre, à Londres et Cambridge, au début du XVIsiècle.

Un suspense pénible pour les étudiants

Mais même si le Royaume-Uni confirme sa participation à Erasmus, cela ne résoudra qu’un seul pan de l’extraordinaire casse-tête du Brexit pour les universités britanniques. Actuellement, celles-ci reçoivent 125 000 étudiants européens, soit 5 % de leurs effectifs. La plupart ont été candidats directement à un cursus britannique, sans passer par un programme d’échanges, et bénéficient des mêmes frais universitaires que les Britanniques, soit 10 000 euros par an environ. Mais après le Brexit ? Devront-ils payer beaucoup plus cher, comme les étudiants étrangers venant du reste du monde ? Pour l’instant, nul ne le sait.

Le nombre de demandes d’inscription d’étudiants européens a baissé de 9 % par rapport à l’an dernier.

Pire encore, le gouvernement britannique entretient le suspense. Il n’a confirmé que le 11 octobre que le système actuel resterait en place pour l’année scolaire 2017-2018. C’était… quatre jours avant la clôture des inscriptions pour les prestigieuses universités de Cambridge et d’Oxford. Résultat, le nombre de demandes d’inscription d’étudiants européens a baissé de 9 % par rapport à l’an dernier. « Nous voulons vraiment éviter que la même situation ne se reproduise l’année prochaine et nous souhaitons un engagement pour l’année 2018-2019 le plus tôt possible », explique le porte-parole de Universities UK. Pour l’instant, le secrétaire d’État chargé des universités, Jo Johnson (le frère de Boris !) a refusé de s’y engager.

À l’université d’Oxford, 12 % du budget dela recherche proviennent pour le moment de Bruxelles. | Eric Tschaen/REA

Par ailleurs, le Brexit ne concerne pas uniquement les étudiants. Les Européens représentent aujourd’hui 15 % des employés des universités, que ce soit les professeurs ou le personnel d’encadrement. Que vont-ils devenir après la sortie de l’Union européenne ? Et quid des programmes de recherche financés par Bruxelles ? L’université d’East Anglia mène par exemple un programme très en pointe dans la recherche climatique, qui dépend presque entièrement de financements européens. À l’université d’Oxford, 12 % du budget de la recherche proviennent de l’Union européenne.

Des groupes de scientifiques ont appelé le gouvernement à clarifier le plus rapidement possible sa position. La petite phrase de Boris Johnson sur le maintien du Royaume-Uni dans le programme Horizon est de ce point de vue la bienvenue. Une parole à prendre quand même, rappelons-le, avec une « bonne pincée de sel ».