Des véhicules Renault Trucks Defense lors du Salon mondial de l’armement, Eurosatory, le 11 juin 2012. | ERIC PIERMONT / AFP

Et si Noël chez Renault Trucks Defense (RTD) avait été avancé au jeudi 8 décembre ? Ce jour-là, lors de la visite du site de Fourchambault dans la Nièvre, Jean-Yves Le Drian a annoncé la décision du Koweït d’acquérir 300 véhicules Sherpa, un contrat estimé à 270 millions d’euros. Le ministre de la défense a surtout révélé l’achat par les armées françaises de 3 700 véhicules légers tout-terrain pour plus de 500 millions d’euros, dans le cadre de l’opération « Sentinelle » et des interventions extérieures. Cinq cents voitures seront livrées en 2017 et mille en 2018.

Ces 4 × 4 militarisés à partir d’un modèle de Ford Ranger remplaceront progressivement les célèbres P4 conçus par Peugeot, voici trente-cinq ans, et aujourd’hui à bout de souffle. En avril, les militaires estimaient à 4 200 le nombre de véhicules nécessaires pour mener toutes leurs opérations. Cinq cents ont été acquis en urgence chez Toyota. Pour aller vite, un appel d’offres à un tour, c’est-à-dire sans négociation ultérieure, était lancé pour les 3 700 autres, le prix faisant la différence.

« Vous pouvez donc être rassurés, RTD a un bel avenir devant lui », a souligné M. Le Drian devant les salariés de l’usine. Il voulait apaiser les craintes sur le devenir de cette entreprise de 1 500 personnes réparties sur cinq sites, depuis que son actionnaire le suédois Volvo a annoncé, voici un mois, son intention de s’en séparer. Le processus se déroulera « sous mon regard particulièrement vigilant » et vu les enjeux « j’utiliserai tous les moyens qui garantiront l’avenir », a-t-il déclaré. Et pour cause, cette entreprise, qui possède les marques RTD, Acmat et Panhard, est jugée « stratégique » pour le ministère de la défense.

Complémentarité

D’ores et déjà, les pouvoirs publics privilégient une solution : un rachat par KNDS, le nouveau groupe d’armement terrestre issu de la fusion entre le français Nexter et l’allemand KMW. Les 500 millions d’euros de chiffre d’affaires de RTD s’ajouteraient aux 2,5 milliards du nouvel ensemble franco-allemand, détenu à parité par l’Etat français et par la famille Bode-Wegmann, permettant ainsi de poursuivre le regroupement dans ce secteur. S’il précède l’allemand Rheinmetall, ce groupe reste encore loin derrière les deux géants, l’américain General Dynamics et le britannique BAE Systems, quatre fois plus gros.

L’avantage de ce rapprochement tient à la complémentarité des activités, KNDS étant positionné sur les blindés lourds, RTD sur les véhicules légers. De plus avec Nexter et Thales, cette firme est au cœur du programme Scorpion de modernisation des véhicules blindés de l’armée de terre. Elle fournira la cinématique, c’est-à-dire tout ce qui permet la mobilité des futurs véhicules blindés multirôles Griffon et des engins de reconnaissance et de combat Jaguar. De plus, le site de Fourchambault sera dès 2019 la plate-forme logistique de ce programme où seront rassemblées toutes les pièces de rechange.

L’ambiance est confiante

Mais le processus n’en est qu’à ses débuts. Après avoir annoncé son intention de se séparer de ses activités défense – 1,5 % de son chiffre d’affaires –, Volvo consulte les partenaires sociaux. Début 2017, la vente devrait être lancée, mais l’opération pourrait prendre du temps. Du côté des pouvoirs publics, le souhait est d’aller vite. Selon les proches du dossier, l’ambiance est confiante de part et d’autre. D’autres pistes seront sans doute étudiées par Volvo, mais si l’acquéreur retenu ne lui convient pas, l’Etat pourra bloquer l’opération : les investissements étrangers en France dans ce secteur sont soumis à autorisation préalable.

Si l’annonce de ces deux contrats est une bonne nouvelle pour RTD, qui voit son plan de charge conforté, notamment à Saint-Nazaire, elle l’est aussi pour Volvo, car cela augmentera la valeur de l’entreprise à céder. Déjà, en début d’année, RTD avait été sélectionnée pour fournir aux forces spéciales françaises 202 poids lourds et 250 véhicules légers. Des contrats à l’exportation sont aussi en discussion.