Dans une déclaration télévisée, le président gambien sortant Yahya Jammeh a annoncé vendredi 9 décembre qu’il ne reconnaissait pas les résultats de l’élection du 1er décembre. Cette déclaration intervient une semaine après qu’il ait publiquement reconnu sa défaite face à l’opposant Adama Barrow, le chef de file de la coalition de l’opposition.

Selon la Commission électorale indépendante, M. Barrow l’emporte avec 45,6 % des voix, devant M. Jammeh à 36,7 % et Mama Kandeh, ancien député du parti au pouvoir et candidat d’une nouvelle formation, à 17,6 %.

« Tout comme j’ai loyalement accepté les résultats, en croyant que la Commission électorale était indépendante, honnête et fiable, je les rejette dans leur totalité », a affirmé M. Jammeh, dénonçant des « erreurs inacceptables » de la part des autorités électorales. « Laissez-moi répéter : je n’accepterai pas les résultats sur la base de ce qui est arrivé », a-t-il dit, appelant à la tenue d’un nouveau scrutin.

M. Jammeh a dénoncé une erreur de comptabilisation reconnue par la Commission électorale indépendante (IEC), accordant la victoire à M. Barrow, mais avec moins de voix d’avance qu’annoncé initialement et fait état d’« enquêtes » sur l’abstention qui ont révélé, selon lui, que de nombreux électeurs n’avaient pu voter en raison d’informations erronées.

Une annonce condamnée par le Sénégal

Cette annonce bouleverse la situation en Gambie, où la population profitait d’une liberté inédite, à la perspective d’une alternance démocratique. La veille, le président élu s’est prévalu du soutien du chef de l’armée, le général Ousman Badjie, et a annoncé la création d’une Commission vérité et réconciliation.

Le Sénégal, voisin de la Gambie, a condamné ce revirement. « Le Sénégal rejette et condamne fermement cette déclaration », selon un communiqué de son ministre des Affaires étrangères Mankeur Ndiaye. Il « exige que le président sortant respecte sans condition le choix démocratique librement exprimé par le peuple gambien, qu’il organise la transmission pacifique du pouvoir et qu’il assure la sécurité et l’intégrité physique du président nouvellement élu ».

M. Barrow exclu toute « chasse aux sorcières »

Dans une déclaration télévisée diffusée le soir du 2 décembre, Yahya Jammeh avait, à la surprise générale, reconnu sa défaite et téléphoné à Adama Barrow devant les caméras pour le féliciter pour sa victoire.

Au pouvoir depuis vingt-deux ans, il a été porté par un coup d’Etat. Réputé imprévisible, il avait assuré qu’il ne contesterait pas les résultats du scrutin et s’était dit prêt à aider son successeur lors d’une allocation diffusée à la radio nationale : « S’il veut travailler avec nous, cela ne me pose aucun problème. Je l’aiderai à travailler sur la voie de la transition. »

Les pressions pour poursuivre Yahya Jammeh et les dignitaires du régime, accusés de nombreuses violations des droits de l’Homme, représentent un des principaux défis pour le nouveau pouvoir, déterminé à une transition pacifique. Dans un entretien avec des médias français le 3 décembre, M. Barrow a exclu toute « chasse aux sorcières », affirmant que son prédécesseur pourrait « vivre en Gambie en tant que citoyen ordinaire ».

Plusieurs dizaines de militants de l’opposition, dont Ousainou Darboe, le chef de la principale formation d’opposition le Parti démocratique uni (UDP), arrêtés pour avoir participé à des manifestations non autorisées en avril et en mai, ont été libérés sous caution cette semaine.