Auriane Rezé a 28 ans et déjà trop d’heures de travail derrière elle. Depuis qu’elle a « monté son business », et pris la tête d’un coffee-shop au Mans, elle ne voit plus le jour : 50 heures par semaine au mieux, 90 au pire, quatre employés à payer. « Ça fait trois mois que je ne me suis pas pris de salaire, que je suis à découvert et que les banques me font la misère. » Pourtant, si c’était à refaire, elle le referait.

Alors quand Emmanuel Macron parle d’émancipation par le travail ou de mieux protéger les indépendants, forcément, ça lui parle. Mais la raison principale de son adhésion à En Marche !, le jour du lancement du mouvement, le 6 avril, c’est avant tout le « renouveau politique » porté par celui qui est désormais candidat à la présidentielle : cette « vision globale », cette « démarche différente » qui « part des préoccupations des gens », cet affranchissement de l’alternative gauche/droite. Et qu’importe si les propositions concrètes arrivent plus tard. 

« Enfin de la politique qui rassemble plutôt qu’elle divise », salue Marlène Schiappa, 39 ans et des statuts qui se conjuguent au pluriel, à l’image de cette génération « slashers » qui se retrouve en Macron : adjointe au maire du Mans, blogueuse, « startupeuse »... Et désormais référente d’En Marche ! dans la Sarthe, avec plus de 700 adhérents.

En tout, le mouvement en revendique plus de 118 000 personnes en France et à l’étranger. Et plus de 2 600 comités locaux, à en croire le compteur en temps réel sur son site. Mais derrière ces chiffres utilisés comme outil de communication, il y a des réalités différentes : il suffit qu’un adhérent ait créé son comité pour que celui-ci soit compté… même si n’y sont inscrits qu’un ou deux participants.

Réelle mobilisation

L’organisation, elle aussi, est plus ou moins rodée, du rendez-vous dans un bar bien annoncé sur Facebook à celui, plus improvisé, dans le salon de l’animateur du coin. Pour coordonner les comités et faire le lien avec le siège à Paris, le mouvement s’appuie sur une centaine de référents départementaux bénévoles. Mais malgré les disparités, l’ampleur de la mobilisation est réelle, et l’engouement, palpable.

Pour Marianna Mendza, 39 ans, responsable marketing dans une entreprise de télécommunications à Paris, l’arrivée de M. Macron a représenté « un bol d’air ». Le premier à lui donner envie de s’engager – comme pour deux tiers des adhérents. Alors elle n’a pas hésité à se porter volontaire pour devenir référente du 11e arrondissement.

Entre les discussions sur l’application Telegram, les mails et l’organisation des réunions, Marianna y consacre jusqu’à trois heures par jour, pause déjeuner et soirées comprises, une fois ses jumeaux couchés. Sans oublier les dimanche matins de tractage sur les marchés. « Je m’amuse !, dit-elle les yeux qui brillent. On a enfin le sentiment d’être acteurs du changement, nos idées remontent et sont prises en compte pour construire le projet... c’est hyper porteur ! » Parmi les propositions qui le touchent, « le fait que Macron veuille repenser l’école ».

Etudiant en première année de droit à la Sorbonne, Mehdi Guillo, 22 ans, ose la comparaison : « Macron c’est un peu l’homme providentiel, c’est De Gaulle en 1958. » L’émancipation par le travail compte aussi pour ce référent des Jeunes avec Macron en Seine-Saint-Denis, qui a grandi entre Montreuil et Montfermeil et s’est essayé à Sciences Po. Avant d’en repartir au bout de six mois : « Tu rentres par la convention d’éducation prioritaire mais après on veut t’uniformiser. » Tout l’inverse de Macron, juge-t-il : « Lui, ta différence il la veut, c’est une richesse dont il se nourrit. » Surtout, « il n’arrive pas avec un discours paternaliste en prétendant savoir. Il t’écoute. »

« Eviter d’avoir à choisir entre Fillon et Le Pen »

Le jeune homme estime que Macron « a tout compris en voyant dans les banlieues un potentiel d’entrepreneurs, des lions qui veulent réussir ». Il cite un de ses amis, « tellement en galère qu’il était prêt à braquer des fourgons Brink’s » : « On l’a motivé pour faire Uber. Grâce à la loi Macron, il a pu passer son permis plus vite. Aujourd’hui il veut monter sa boite de location de voitures. Dans dix ans, grâce à Macron, il pourra dire : j’aurais pu braquer des Brink’s, maintenant je suis chef d’entreprise. »

Pour le militant, l’ancien ministre représente « le rêve américain, mais avec des règles protectrices »,  la « méritocratie républicaine, pas par le diplôme, mais par le travail ». De quoi convaincre ses amis de voter pour lui en 2017. D’ici là, Mehdi est de tous les déplacements pour donner des coups de main et assurer une sorte de « service d’ordre » autour du candidat. Et qu’on ne lui dise pas qu’il fait « l’arabe de service ». Macron 2017, c’est son combat à lui, il ne veut rien devoir à personne.

C’est aussi le combat de Damien Pichereau, 28 ans, qui a créé un comité local au Mans. Après avoir déchiré sa carte de l’UMP, ce commercial ne pensait pas remiliter de sitôt. C’était sans compter Macron : « La Grande marche – opération de porte-à-porte cet été –, on n’avait pas vu ça depuis quarante ans ! Enfin quelqu’un qui allait consulter les Français avant de formuler des propositions. »

Sans Macron, plusieurs militants assurent qu’ils se seraient abstenus en 2017. « Une partie de ses idées sont de droite certes, mais il nous permettra peut-être de sortir de l’ornière. Et c’est le mieux placé pour nous éviter d’avoir à choisir entre Fillon et Le Pen », estime un fonctionnaire à la retraite, qui résume ainsi le choix de plusieurs électeurs de gauche. Même si certains ont gardé leur carte au Parti socialiste, « par attachement ».

Ceux qui marchent avec Emmanuel Macron n’ont désormais plus qu’une date en tête : le grand meeting du 10 décembre, porte de Versailles, à Paris. Le candidat à la présidentielle pourrait y développer plusieurs pistes de son programme, qu’il a commencé à dévoiler ces derniers jours.