Manifestation contre la présidente Park Geun-hye à Séoul, le 9 décembre. | Ahn Young-joon / AP

Editorial. L’allocution a été tenue vendredi 9 décembre, dans la foulée de la destitution par le Parlement de la présidente sud-coréenne, Park Geun-hye. « Chers Sud-Coréens, le monde entier nous regarde. S’il vous plaît, mobilisez-vous pour répondre aux défis qui nous attendent, chez nous et à l’étranger » : ainsi s’est adressé à la nation le premier ministre coréen, Hwang Kyo-ahn, personnalité non élue, qui exerce désormais les prérogatives du chef de l’Etat. A 59 ans, cet ancien procureur spécialiste des questions de sécurité a appelé à la « stabilité » et à « minimiser le chaos politique ». Car de la stabilité, la Corée du Sud en a bien besoin en effet, sur le plan tant intérieur qu’extérieur.

Sur le plan politique, la quatrième économie d’Asie est secouée par le scandale de corruption sans précédent qui a fait tomber, plus d’un an avant la fin de son mandat, la présidente Park, fille du président autoritaire Park Chung-hee (1962-1979). Mais au fond, le processus se déroule de façon raisonnable : les Coréens sont descendus en masse chaque samedi dans les rues pour réclamer et obtenir le départ de Mme Park, le cadre institutionnel est respecté, les marchés financiers sont calmes et une élection présidentielle, qui sera convoquée si la Cour suprême confirme la destitution dans un délai de six mois, devrait être l’occasion d’un nouveau départ.

L’échec du rapprochement avec la Chine

C’est essentiel alors que Séoul est dans l’œil du cyclone de toutes les tensions régionales. Le frère ennemi du Nord a fait d’importants progrès dans sa course aux armements, procédant à 24 tirs de missiles balistiques en 2016. Son dirigeant, Kim Jong-un, est décidé à développer un arsenal nucléaire non plus comme simple levier de négociation avec les grandes puissances, comme l’envisageait son père, mais comme force opérationnelle, pour disposer d’une réelle dissuasion. A ce titre, il entend maîtriser les vecteurs de longue portée, qui lui permettront de menacer jusqu’aux Etats-Unis. La capitale sud-coréenne, elle, n’est située qu’à une soixantaine de kilomètres de la zone « démilitarisée » qui divise la péninsule.

Dans la foulée de son élection, en février 2013, la présidente destituée, Park Geun-hye, a opéré un rapprochement avec la Chine, dans l’espoir que ce puissant voisin convainque la Corée du Nord de renoncer à cette voie agressive. Ce fut un échec. Pékin n’est pas écouté par Pyongyang, régime ultranationaliste méfiant vis-à-vis du géant chinois, et ne juge pas dans son intérêt d’employer la manière forte avec la Corée du Nord, zone tampon avec le Sud où sont stationnés 28 000 soldats américains.

Enfin, malgré un « pivot » annoncé vers l’Asie, l’administration Obama ne s’est pas intéressée au règlement du problème nord-coréen, voyant la difficulté à obtenir des résultats. S’y ajoutent les tensions croissantes en mer de Chine qui font de la région une poudrière.

Et surtout, l’élection de Donald Trump : les Sud-Coréens sont particulièrement préoccupés depuis que les Américains ont élu leur futur président. Car en campagne Donald Trump a répété que les alliés des Etats-Unis dans la région, Japon et Corée du Sud en tête, devront davantage financer la protection garantie par Washington.

On comprend l’anxiété que suscite l’idée même d’une renégociation, pour un pays qui n’a pas suivi la voie du nucléaire militaire du seul fait de la promesse de sécurité des Etats-Unis. Donald Trump ne doit en aucun cas renier cette promesse.

Corée du Sud : des milliers de personnes fêtent dans la rue la motion de destitution de la présidente
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