Documentaire sur France 5 à 22 h 35

Des artistes au pouvoir ? (1981-1988) - Bande annonce
Durée : 01:45

Sitôt installé à l’Elysée en mai 1981, le président socialiste, avec le concours de son ministre Jack Lang, va mettre en forme le plus ambitieux des programmes culturels, invitant les créateurs à le seconder dans une tâche qui évoque davantage le mécénat des monarques du Grand Siècle que la prudente gestion des successeurs de Malraux.

Inflation de projets (rénovation du Louvre, chantiers de la Bibliothèque nationale, de l’Opéra Bastille, de l’Arche de la Défense ou du Zénith à La Villette), de manifestations récurrentes (Fête de la musique, Journées du patrimoine, Victoires de la musique), rendus possibles par le doublement du budget de la culture en une seule loi de finances dès 1982, la feuille de route défie l’entendement. Et la sanctuarisation de cet effort, quand bien même la rigueur s’impose en 1983 (un privilège que ne partage que le secteur de la recherche), dit assez la priorité mitterrandienne. Choix du prince.

Effervescence et contestation

Tandis que, sous l’ère Lang, architecture, mode, cuisine, danse, arts forains ou arts de rue, tout est culture, les créateurs sont choyés : Vitez, Chéreau, Savary ou Vincent, contestés naguère, sont désormais aux commandes. Cette effervescence inédite ne va pas sans contestation, violente souvent, et pas seulement venue des rangs de l’opposition.

Le documentaire, en évoquant Guy Hocquenghem, Pierre Desproges et Thierry Le Luron, en donnant la parole à Michel Schneider et à François Léotard, rappelle le bras de fer qui se joue derrière l’éclat de la façade. Et l’esprit de commando de Lang, imposant les colonnes de Daniel Buren dans la cour du Palais-Royal à la barbe des conseillers d’Etat, en dit long sur l’opposition farouche que ce vertige créatif suscite.

François Mitterrand et Jack Lang discutent avec le sculpteur César | © Flach Films Productions

Avant cette passionnante évocation, qui ne masque ni les excès ni les reproches qu’une telle parenthèse imaginative génère, il y eut deux épisodes qui montraient la fascination des artistes pour l’illusion politique et les liens entre engagement militant et création dès les lendemains de 1945. Le premier est douloureux, quand l’euphorie se dissipe brusquement devant le cynisme doctrinaire soviétique. Le second, plus brouillon, héroïsant Mai-1968 et l’esprit qui s’en nourrit pour commenter seulement les mutations sociétales des années 1970, a un propos moins construit, sinon dans les analyses aiguës de Pascal Ory.

Un « moment magique »

Judicieusement commenté par l’historien du culturel, conseiller historique de la série, par Frédérique Bredin, actrice devenue témoin de cette effervescence unique, et Laurent Martin, auteur d’un Jack Lang. Une vie entre culture et politique (Editions Complexe, 2008), ce « moment magique » s’achève quand Renaud, Depardieu ou Barbara appellent le président à briguer un second mandat. Une situation incroyable alors et qui stupéfie même aujourd’hui, tant le pas de deux entre artistes et politiques, coauteurs d’un rêve culturel sans limites, est passé de mode.

Des artistes au pouvoir ? 1981-1988, d’Yves Riou et Philippe Pouchain (Fr., 2016, 55 min).