Documentaire sur France Ô à 20 h 50

Ville de Chiconi sur l’île de Mayotte | ©Zed

Le 31 mars 2011, Mayotte, île orientale de l’archipel des Comores qui refusa l’indépendance en 1974, est devenue 5e département et région d’outre-mer, avant d’intégrer l’Union européenne comme « région ultrapériphérique » en 2014. Mais qu’est-ce que la départementalisation de l’île a changé depuis cinq ans ? Pour établir un état des lieux, il faut revenir sur l’histoire de Mayotte, ses coutumes et ses traditions, que le nouveau statut bouscule quand il ne les nie pas.

Sans doute la perspective du nouveau statut a-t-elle été trop flatteuse, les moyens mis en œuvre pour assurer la transition insuffisants et le rythme mal évalué. Comment, dans une île où la propriété foncière n’apparaît pas individuelle, mais collective ou clanique, faire appliquer les lois de la métropole, les taxes foncières, capitales dans le plus pauvre département français, quand l’identité des Mahorais est à établir ?

La décision de fixer l’état civil de plus de 200 000 citoyens dont les sobriquets font le nom d’usage a conduit à attribuer plus de 150 000 nouveaux patronymes, sans souci de cohérence, par une permissivité irresponsable ; et la réforme n’ayant pas été menée à terme par la commission mise en place à cet effet, les cas litigieux sont nombreux.

Or, sans identité claire ni retour sur près d’un siècle de généalogie et de transmission, aucun prêt bancaire comme aucun recours pour des violations de propriété (les clandestins venus des Comores s’installent sans vergogne et sans réaction de l’Etat) n’est possible, et la confiscation menace, comme le déclassement des citoyens mahorais. D’autant que le recours aux usages immémoriaux ne joue plus.

Depuis la présence française dans l’île (1841), coexistaient deux systèmes : le droit commun, rendu par les tribunaux français, et le droit coutumier local, qui régissait identité, statut et propriétés des indigènes musulmans, à la charge des cadis. Or les cadis sont victimes de la départementalisation. Pourtant, si le champ de leur action comme celui de leurs compétences se sont considérablement rétrécis (sur la gestion du cadastre et de l’état civil notamment), ils restent de précieux « médiateurs de la République » – c’est leur titre désormais –, facilitateurs de l’harmonie de la communauté en cas de litiges, mais surtout remparts essentiels contre les imams radicaux venus des Comores, qui tentent de déstabiliser l’islam mahorais. Tenants d’un islam modéré et tolérant, ils régulent la question religieuse, passeurs entre les valeurs de la foi musulmane et celles de la République. Un rôle clé dans une société en crise qui se sent abandonnée.

Mayotte la française ? de Séline Soula et Romain Fleury (Fr., 2016, 55 min).