La police sur le lieux de l’explosion à Istanbul, samedi 10 décembre. | MURAD SEZER / REUTERS

Comme de nombreuses attaques récentes sur le sol turc, le double attentat qui a frappé le quartier de Besiktas, à Istanbul, samedi 10 décembre, a été revendiqué par une branche armée du mouvement kurde : les Faucons de la liberté du Kurdistan (TAK, pour Teyrêbazên Azadiya Kurdistan). Le bilan fait état de 44 morts, dont 36 policiers.

Depuis l’été 2015, la Turquie a été la cible de nombreuses attaques, à Istanbul et à Ankara, attribuées alternativement à l’organisation Etat islamique (EI), à des groupuscules d’extrême gauche ou à la rébellion séparatiste kurde. Idéologiquement proches des rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) mais relativement autonomes, les TAK ont revendiqué plusieurs de ces attentats, notamment une attaque au mortier contre l’aéroport Sabiha Gökçen, à Istanbul (1 mort), un attentat suicide à Ankara en février (29 morts), une attaque à Ankara le 13 mars (37 morts), et un attentat à la voiture piégée le 7 juin à Istanbul (11 morts).

Depuis sa création, en 2004, le groupe, qui réclame un état kurde indépendant, a revendiqué plus d’une dizaine d’attentats meurtriers, mais il reste assez mal connu.

Dissidents du PKK

Les TAK représentent la branche la plus dure de la lutte armée kurde. Ils sont nés d’un éclatement du PKK historique, et de l’entrée en dissidence de quelques dizaines de membres qui voulaient mener des actions plus radicales contre le pouvoir turc. Comme le PKK, les Faucons de la liberté reconnaissent toutefois l’autorité d’Abdullah Öcalan, emprisonné depuis 1999. Les deux organisations sont considérées comme terroristes par la Turquie, les Etats-Unis et l’Union européenne.

« Ces différentes organisations sont intimement liées, les lignes d’appartenance sont troubles », affirme d’ailleurs dans un entretien au Point Sinan Ulgen, ancien diplomate turc et président du Center for Economics and Foreign Policy (EDAM).

Pour le pouvoir turc, les TAK ne sont rien d’autre que la branche radicale du PKK, voire une couverture de ce dernier pour commettre les attaques les plus violentes sans nuire à son image, notamment à l’international.

Une partie de la presse turque, acquise au gouvernement, voit même la main des Occidentaux derrière les attentats du samedi 10 décembre. « Nous connaissons les meurtriers qui sont derrière le dernier attentat terroriste à Istanbul. Et nous connaissons leurs patrons à l’échelle mondiale. L’Europe et les Etats-Unis soutiennent le PKK et l’envoient nous attaquer », affirme par exemple l’éditorialiste Ibrahim Karagül, du quotidien Yeni Şafak proche de l’AKP – le parti fondé par le président Recep Tayyip Erdogan. Le ministre de l’intérieur turc, Suleyman Soylu, a également profité des funérailles d’un des policiers tués pour comparer le PKK à des « animaux », qui seraient « les pions [des] sombres partenaires occidentaux ».

Des cibles civiles et touristiques

Si les actions des Faucons de la liberté se sont raréfiées à la fin des années 2000, ils sont à nouveau actifs depuis 2015, vraisemblablement grâce à l’engagement de jeunes hommes dans le mouvement. Les auteurs des récents attentats des TAK qui ont été identifiés étaient souvent âgés d’une vingtaine d’années.

Le mouvement, qui avait prévenu qu’il s’attaquerait aux zones touristiques, a mené le double attentat du 10 décembre dans un quartier bordant le Bosphore, près du stade de football du Besiktas Istanbul et dans le parc de Macka. Les sites touristiques sont « une cible majeure que nous voulons détruire, écrivaient les TAK sur leur site plusieurs mois avant l’attaque. Nous conseillons aux touristes étrangers et turcs de ne pas aller dans les zones touristiques en Turquie. Nous ne serons pas responsables de ceux qui mourront dans les attaques qui viseront ces sites ».

En riposte, les autorités turques ont décidé de réagir aux attaques, lundi 12 décembre, en arrêtant 198 membres du Parti démocratique des peuples (HDP), principal parti prokurde du pays. L’aviation turque a par ailleurs lancé dimanche une série de frappes aériennes contre des positions appartenant au PKK dans le nord de l’Irak.

Istanbul : les images des deux explosions
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