Des soldats au Centre d’analyse de lutte informatique défensive (Calid) à Paris, le 16 janvier 2015. | JOEL SAGET / AFP

Un vrai commandement interarmées de la lutte informatique, rattaché directement au chef d’état-major : placé sur les rails depuis plusieurs années, le « cyber-commandement » français sera totalement mis en place dans sa nouvelle forme en janvier 2017, a annoncé lundi 12 décembre le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian.

M. Le Drian a présenté l’état des lieux des actions lancées dans ce domaine dans le cadre de la loi de programmation militaire 2014-2019, en visitant les trois principaux sites « cyber » de la défense, tous développés dans sa région, la Bretagne, à Rennes, Bruz et Lannion.

A l’image du « Cybercom » américain, le nouvel état-major, actuellement dirigé par le vice-amiral Arnaud Coustillière, coiffera toutes les unités opérationnelles informatiques des armées et des services de la défense, soit 2 600 personnes au total. Les 600 spécialistes, ingénieurs et techniciens de la Direction générale pour l’armement (DGA) seront également placés sous son autorité. Le « Comcyber » français couvrira quatre pôles : la protection des réseaux informatiques des armées, la défense, avec le Centre d’analyse de lutte informatique défensive, les opérations offensives et de renseignement et la réserve. D’ici à 2019, les forces cyber doivent disposer du renfort de 4 400 réservistes.

« Priorité nationale »

Cette consolidation se traduira par la place du commandeur cyber : équivalent du directeur technique de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et du directeur de l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information rattaché au premier ministre, le titulaire du poste sera un officier général de haut rang.

Début 2014, le ministère avait indiqué qu’une enveloppe de 1 milliard d’euros serait consacrée à la nouvelle arme cyber dans les cinq ans, dont 500 millions d’investissements industriels et technologiques, soit un triplement de l’effort pour ce domaine qualifié de « priorité nationale ». Dans la foulée, en septembre 2015, la France avait pour la première fois revendiqué sa place dans la lutte informatique offensive, lors d’une réunion de cyber-commandeurs alliés à l’Ecole militaire.

Les maîtres mots de cette lutte sont « riposte et neutralisation », a précisé M. Le Drian lundi. Ce volet « doit permettre d’agir ou de répliquer contre un ennemi cherchant à nuire à nos intérêts de sécurité et de défense ». Et la neutralisation s’entend « y compris de façon permanente » contre « des infrastructures matérielles ou immatérielles » utilisées pour causer des dommages aux intérêts français.

Le volet offensif au sens large – interceptions et pénétrations de réseaux informatiques étrangers, collecte de masse, surveillance – demeure le domaine de la DGSE, qui dispose de l’outil technique. La lutte offensive venant en appui des opérations militaires menées par la France sur le terrain, en Irak ou au Sahel, relève, elle, de l’état-major des armées. Du ciblage à la contre-propagande, la lutte informatique est désormais intégrée à toutes les opérations militaires, au premier chef celles menées contre l’organisation Etat islamique.

« Des moyens sophistiqués »

« En temps de guerre, l’arme cyber pourra être la réponse, ou une partie de la réponse, à une agression armée, qu’elle soit de nature cyber ou non, a expliqué le ministre, en détaillant la doctrine française. Nos capacités cyber-offensives doivent donc nous permettre de nous introduire dans les systèmes ou les réseaux de nos ennemis, afin d’y causer des dommages, des interruptions de service ou des neutralisations temporaires ou définitives, justifiées par l’ouverture d’hostilité à notre encontre. En utilisant pour cela des moyens sophistiqués, dont nous sommes parfois les concepteurs, et qui doivent résister à tout risque de détournement. »

Le ministre n’évoque pas une « quatrième armée » devenue complémentaire de la marine, de l’armée de terre et de l’armée de l’air, comme certains le proposaient. Il n’a pas émis non plus de commentaires sur les actions de déstabilisation attribuées à la Russie dans ce domaine, alors que les spécialistes français mentionnent l’agressivité de Moscou. Mais, souligne-t-il, « une adaptation de notre outil de défense est indispensable ». Ce qui sous-entend que la France n’est pas encore au niveau souhaité.