60 % des émissions de méthane sont liées aux activités humaines. | PHILIPPE HUGUEN / AFP

Les émissions de méthane – un gaz à effet de serre plus nocif que le CO2 – s’envolent depuis dix ans et risquent de compromettre la lutte contre le réchauffement, mettent en garde, lundi 12 décembre, des chercheurs qui ont coordonné un bilan mondial mené par plus de 80 scientifiques de 15 pays.

« Il faut de toute urgence s’attacher à quantifier et réduire [c] es émissions », ont-ils plaidé dans le journal Earth System Science Data dans lequel leur étude a été publiée.

Après un léger ralentissement entre 2000 et 2006, la concentration de méthane dans l’atmosphère a crû dix fois plus rapidement depuis 2007, relèvent les chercheurs. Or, le méthane est vingt-huit fois plus « réchauffant » que le CO2 tout en persistant moins longtemps dans l’air – environ dix ans.

« Contenir le réchauffement sous 2 °C est déjà un défi considérable », ont souligné ces mêmes chercheurs dans le bulletin Environmental Research Letters, à propos de l’objectif que la communauté internationale s’est fixée à la fin de 2015 dans l’accord de Paris. « Un tel objectif deviendra de plus en plus difficile à tenir si l’on ne réduit pas les émissions de méthane fortement et rapidement », ont-ils ajouté.

L’agriculture et le traitement des déchets

Deuxième grand gaz à effet de serre lié aux activités humaines, après le dioxyde de carbone (CO2), le méthane contribue pour quelque 20 % au réchauffement en cours. Jusqu’ici les mesures contre le réchauffement se sont largement concentrées sur le CO2, issu pour une large part des énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz), et qui représente 70 % des gaz à effet de serre.

Le méthane est également plus difficile à pister que le CO2, car plus diffus et une bonne part provient de sources « naturelles » (zones humides, formations géologiques…). Cependant, selon l’étude, 60 % de ses émissions sont liées aux activités humaines dont plus de la moitié (36 %) de l’agriculture – éructations des ruminants et rizières – et du traitement des déchets.

Les chercheurs privilégient d’ailleurs cette hypothèse pour expliquer la hausse des émissions. Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le nombre de têtes de bétail est en effet passé de 1,3 milliard en 1994 à 1,5 milliard vingt ans plus tard.

Mais les chercheurs n’excluent pas non plus le rôle des énergies fossiles dans ce boom. Quelque 21 % des émanations de méthane sont ainsi dues à l’exploitation du charbon, du pétrole et du gaz : de l’extraction jusqu’aux réseaux de distribution, les fuites de méthane sont très fréquentes.

« A partir des années 2000, il y a eu une grosse exploitation du charbon en Chine, et l’exploitation du gaz aux Etats-Unis a aussi augmenté », rappelle Marielle Saunois, chercheuse à l’université de Versailles - Saint-Quentin (UVSQ).

Capter le méthane

Concernant le permafrost, ces sols gelés des hautes latitudes, ils peuvent aussi dégager du méthane en dégelant, une grande crainte des climatologues. « On ne voit pas d’augmentation anormale des concentrations », a toutefois indiqué le chercheur et coauteur Philippe Bousquet, pour qui ces « émissions risquent d’augmenter dans le temps mais sur des décennies ».

Quant au boom particulièrement spectaculaire ces deux dernières années des émissions de méthane, les scientifiques ont encore plus de mal à l’expliquer. « Cela peut être d’origine naturelle », dit M. Bousquet. « Mais s’il se prolongeait au-delà de trois ou quatre ans, cela signifierait forcément un lien avec l’homme. »

Il est possible d’agir d’ores et déjà pour réduire ou capter le méthane, insistent les scientifiques : méthaniseurs dans les fermes, modification des protocoles d’irrigation des rizières et chasse aux fuites.