Avec une économie mondiale soumise à de vastes mouvements tectoniques, la géographie planétaire des risques est de plus en plus dure à appréhender pour les multinationales. 2017 s’annonce pour elles comme « une année d’incertitude aiguë », selon l’expression du cabinet de conseil britannique Control Risks, qui a choisi d’intituler ainsi sa nouvelle carte mondiale des risques, publiée lundi 12 décembre.

Le vote en faveur du Brexit et, plus récemment, la victoire du républicain Donald Trump à l’élection présidentielle américaine sont les manifestations les plus éclatantes d’une recomposition politique à même de bouleverser les grands équilibres mondiaux. « On a le sentiment très fort qu’un changement systémique est à l’œuvre dans la façon dont le monde fonctionne », décrit Charles Hecker, directeur associé du cabinet, selon lequel ces récents événements pourraient être « source de fortes perturbations pour les entreprises ».

La stabilité géopolitique, l’ouverture des échanges, l’idéal démocratique-libéral… tous ces « accélérateurs de business » sont confrontés à un processus d’« érosion », constate Control Risks. Outre la montée d’un populisme susceptible d’entraîner un repli nationaliste et, partant, de peser sur la dynamique du commerce mondial, le cabinet pointe la persistance de la menace terroriste. Les coups portés à l’organisation Etat islamique pourraient accélérer la dispersion de ses « membres » tout autour du globe. Face à cette fragmentation du danger, « la réponse au terrorisme devient de plus en plus difficile pour les entreprises », note Control Risks.

Le « défi » de la cybersécurité

Parmi les tendances auxquelles les grands groupes mondiaux doivent se montrer attentifs figure aussi la complexité croissante du paysage cybersécuritaire. « On assiste à une montée du nationalisme des données, qui est l’expression cybernétique du nationalisme économique », relève M. Hecker. En témoigne la multiplication des législations sur la protection des données, contradictoires si ce n’est concurrentes, entre les Etats-Unis, l’Europe, la Chine ou la Russie : « Un gros défi pour l’e-commerce et les entreprises multinationales qui doivent s’y soumettre. »

Cet environnement mouvant n’a pas conduit le cabinet à modifier sensiblement son planisphère des risques par rapport aux années précédentes. Ceux-ci se déclinent en risques sécuritaires (vol, fraude, kidnapping, expropriation…) et géopolitiques (corruption, insécurité judiciaire, instabilité institutionnelle, sanctions…).

« Menaces politique »

Les cartes établies ci-dessus par Le Monde en se fondant sur les données transmises par le consultant montrent qu’une fois encore les régions les plus dynamiques sont toujours parmi les plus tendues. C’est le cas pour une bonne partie de l’Afrique, mais aussi pour la Chine, où le risque est jugé bas au plan sécuritaire, mais plus préoccupant au niveau politique. Une Europe à faible croissance se présente, elle, comme nettement moins périlleuse pour les sociétés, tout comme les Etats-Unis, le Canada ou l’Australie.

« Le risque arrive en Europe », estime pourtant le cabinet. En France notamment, le milieu des affaires devrait connaître une année d’« incertitude accrue ». Tablant sur une victoire du candidat de la droite, le libéral François Fillon, Control Risks tire pourtant une conclusion mitigée pour les entreprises : il estime que son programme résolument « pro-business » pourrait susciter d’importants troubles sociaux dans les mois suivant le scrutin et perturber la bonne marche des affaires.

Le tableau pour 2017 serait donc plus équivoque que ne le laisse penser, au premier regard, la mappemonde des risques. Pour les compagnies, la distinction entre des marchés domestiques perçus comme sûrs et des marchés plus lointains semés d’embûches devient « minime » : plus aucune zone n’est parfaitement à l’abri des « menaces politique, cybernétique et terroriste », assène le consultant. Les entreprises sont prévenues : l’année qui arrive, affirme Richard Fenning, patron de Control Risks, sera pour elles « l’une des plus difficiles en matière de prise de décision stratégique depuis la fin de la guerre froide ».