Dans le fief de la famille Bongo, le Haut-Ogooué, Ali Bongo Ondimba aurait reccueilli, selon le ministère de l’intérieur gabonais, 95,47 % des suffrages, avec un taux de participation de 99,93 %. Juste assez pour faire basculer le vote sa faveur. | STRINGER / REUTERS

Fraude, tricherie, les mots ne sont pas lâchés, mais le « rapport définitif » de la Mission d’observation électorale de l’Union européenne (MOE-UE), présenté lundi 12 décembre à Libreville, n’en est pas moins accablant pour le président gabonais, Ali Bongo Ondimba, reconduit au terme d’un scrutin toujours contesté par Jean Ping, son principal opposant.

Dans ce document relatif à l’élection présidentielle du 27 août et à sa validation par la Cour constitutionnelle le 23 septembre, les observateurs européens indiquent, sans détour, que les « anomalies » observées dans le Haut-Ogooué « mettent en question l’intégrité du processus de consolidation des résultats et du résultat final de l’élection ». Dans cette province considérée comme le fief de la famille Bongo, le chef de l’Etat sortant avait recueilli, selon le ministère de l’intérieur gabonais, 95,47 % des suffrages, avec un taux de participation de 99,93 %. Juste assez pour faire basculer le vote en faveur d’Ali Bongo Ondimba, avec un écart de moins de 5 600 voix.

Poussé par les diplomates, avant tout soucieux d’éviter des violences post-électorales, Jean Ping avait alors contesté, sans y croire, ces résultats provisoires devant la Cour constitutionnelle – rebaptisée par les opposants « la Tour de Pise » pour son penchant constant vers le pouvoir. Sur ce point, « la MOE regrette l’opacité dans laquelle la procédure contentieuse a eu lieu. En effet, la Cour n’a fait droit à aucune des demandes des requérants. (…) La confrontation des procès-verbaux, essentielle pour assurer la transparence et la confiance des parties prenantes, n’a pas eu lieu ».

Poussé par les diplomates, avant tout soucieux d’éviter des violences post-électorales, Jean Ping avait alors contesté, sans y croire, ces résultats provisoires devant la Cour constitutionnelle | STEVE JORDAN / AFP

Les membres de la MOE « menacés »

Alors que la contestation de l’élection s’est suivie d’une répression des partisans de l’opposition dont le bilan demeure incertain, la mission dirigée par la députée européenne, Mariya Gabriel, pointe également « les menaces » dont ont fait l’objet ses membres et « une campagne visant à porter atteinte à sa crédibilité ». L’un des membres de la MOE, ciblé par les autorités, avait dû être exfiltré d’urgence de Libreville après le vote, alors que les conversations téléphoniques des principaux responsables de la mission ont été constamment écoutées par les services gabonais, comme l’a révélé début octobre le Journal du dimanche.

Reste à savoir maintenant quelles conséquences l’Union européenne tirera du constat effectué par ses 73 observateurs déployés le jour du vote au Gabon ? « L’UE a un problème avec elle-même. Même si ce rapport n’engage pas ses institutions en tant que telles, elle ne peut pas faire comme si elle n’a rien vu quand ses observateurs disent clairement qu’Ali Bongo a triché », estime Jean-Gaspard Ntoutoume Ayi, le porte-parole de Jean Ping.

« Il est possible que les parlementaires se saisissent pour demander des sanctions mais ce n’est pas à nous d’en recommander », réplique sous couvert d’anonymat un membre de la mission. « Les sanctions ne sont pas encore sur la table », indique une bonne source.

Les positions de la France

A Paris, dont les déclarations sont toujours scrutées avec une extrême attention à Libreville, l’adoubement à contrecœur d’Ali Bongo Ondimba semble désormais entériné. Aux déclarations incisives de Jean-Marc Ayrault, le chef de la diplomatie, qui fin septembre maintenait encore ses « doutes » sur la réalité de la victoire du président sortant, ont succédé un mois plus tard les propos de Manuel Valls.

Encore premier ministre, celui qui début 2016 affirmait sur un plateau de télévision qu’« Ali Bongo n’avait pas été élu comme on l’entend » lors de son accession au pouvoir en 2009, s’est fendu, le 31 octobre à Abidjan (Côte d’Ivoire), d’une déclaration qui a ravi le Palais du bord de mer et exaspéré les opposants : « Le Gabon a un président. Et le seul souhait que nous pouvons émettre, c’est qu’il y ait un dialogue, une réconciliation », préconisait-il, en parfaite symbiose avec les volontés exprimées avec le pouvoir gabonais.

Déplorant que « les organisations africaines ne soient pas mobilisées sur le sujet », un membre éminent du Quai d’Orsay concède : « Puisque l’on ne va pas refaire l’élection, il faut désormais travailler à sortir de cette crise politique. » Comment ? « En modernisant les règles du jeu » pour les futures échéances électorales, comme le recommandent les observateurs de l’UE. Un regard prospectif qui implique une reconnaissance préalable du passage en force du président sortant.