Un F-35. | ADRIAN DENNIS / AFP

L’ennemi ne vient pas toujours de là où on l’attend. Lockheed Martin en a fait l’expérience, lundi 12 décembre. Alors que le groupe d’armement américain a livré à Israël deux exemplaires de son avion de chasse F-35, celui-ci s’est fait descendre en flèche par Donald Trump par tweet interposé. « Le programme et le coût du F-35 sont hors de contrôle », a lancé le président élu dans une saillie dont il a désormais l’habitude. « Des milliards de dollars peuvent être et seront économisés sur les achats militaires [et autres] après le 20 janvier », a-t-il ajouté en évoquant la date de son investiture.

Le F-35, qui devait être la fierté de l’aviation embarquée de la marine américaine et du corps des Marines, s’est transformé au fil des années en gouffre financier pour le budget de l’Etat. Le programme, lancé au début des années 1990, n’a cessé de connaître des dépassements de coûts et des rallongements de délais de fabrication, ce qui en fait le plus coûteux de l’histoire militaire américaine. La facture pour le Pentagone s’élève à plus de 400 milliards de dollars.

A la veille de l’élection présidentielle du 8 novembre, le ministère de la défense et Lockheed Martin ont bouclé les négociations sur un contrat portant sur 90 avions pour 7,18 milliards de dollars (6,8 milliards d’euros), soit 80 millions l’unité. Alors que les premiers appareils livrés atteignaient la somme folle de 200 millions de dollars, les exemplaires vendus lundi à Israël l’ont été sur une base de 110 millions. Le Pentagone est censé acheter au total 2 400 appareils. Deux cents ont été déjà livrés, tandis qu’une dizaine de pays sont des acheteurs potentiels.

Problèmes diplomatiques

Au-delà de la question industrielle et budgétaire, le programme F-35 pose des problèmes diplomatiques. Alors que le coût par avion augmente, les dépassements affectent la capacité d’autres pays d’acheter ce chasseur, concurrent du Rafale de Dassault.

A l’occasion de la livraison des premiers exemplaires du F-35 achetés par Tsahal, en présence du Secrétaire à la défense, Ashton Carter, le patron du programme chez Lockheed Martin, Jeff Babione, a expliqué que son groupe comprenait les inquiétudes concernant le coût du programme et a rappelé qu’il avait investi des millions de dollars pour faire baisser le prix de l’avion. L’objectif est de réduire de 60 % le prix unitaire de l’action par rapport aux estimations initiales. « Nous prévoyons qu’il sera d’environ 85 millions de dollars à l’horizon 2019 ou 2020 », a-t-il dit.

Lors d’une audition, lundi, John McCain, le sénateur républicain de l’Arizona et président de la Commission des services armés a reconnu que les capacités d’action du F-35 « sont essentielles à la sécurité nationale de l’Amérique. Mais en même temps, ce programme a été à la fois un scandale et un drame en ce qui concerne le coût, le calendrier et la réalisation. »

Chute de l’action Lockheed Martin

Concernant M. Trump, il s’agit de la seconde fois en quelques jours qu’il se livre à ce genre de critique. La semaine dernière, le président élu avait reproché à Boeing le coût des avions présidentielles, Air Force One, en cours de commande. Quelques heures après, il s’était entretenu avec le patron du groupe Dennis Muilenburg. A l’issue, M. Trump a dit qu’il négocierait personnellement le prix des Air Force One, qui, à ce jour dépasserait 4 milliards de dollars.

Dimanche, le milliardaire était déjà monté au créneau sur le sujet sur la chaîne Fox News. « Les gens qui négocient au nom du gouvernement ne devraient jamais être autorisés à aller travailler pour ces entreprises », a-t-il souligné. « Vous savez, ils négocient un contrat comme ça, et puis deux ou trois ans plus tard vous les retrouvez dans les entreprises avec lesquelles ils ont négocié ». Le président élu a proposé que les militaires chargés de négocier des accords comme le F-35 devraient être interdits à vie d’aller travailler chez un contractant. M. Trump avait déjà avancé l’idée qu’un membre de son administration ne puisse pas faire de lobbying pendant au moins cinq ans après avoir quitté son poste.

La remarque sur le F-35 concerne non seulement Lockheed Martin, mais aussi Northrop Grumman, et United Technologies, qui via sa filiale Pratt & Whitney, fournit les moteurs, une part substantielle du coût de l’avion. Dans la foulée du tweet de M. Trump, l’action Lockheed Martin a perdu jusqu’à 4 milliards de dollars, avant de se reprendre légèrement en fin de séance à Wall Street. L’Aerospace Industries Association, qui regroupe les acteurs du secteur a déclaré qu’une rencontre d’une quarantaine de minutes avec l’équipe de transition présidentielle a eu lieu lundi. Mais pour l’instant, on ne sait comment le coût du programme, qui concerne des centaines de fournisseurs et des milliers de salariés aux quatre coins des États-Unis, pourra être revu à la baisse.