Bernard Cazeneuve a quitté le ministère de l’intérieur mais il n’a pas abandonné pour autant tous les dossiers qu’il traitait Place Beauvau. Six jours après sa nomination à Matignon, le nouveau premier ministre est revenu sur ses pas pour participer, lundi 12 décembre, à une nouvelle étape de l’implication de l’Etat pour favoriser une meilleure organisation du culte musulman en France. « Sur ces sujets, mon engagement restera plein et entier », a affirmé le chef du gouvernement en ouvrant la troisième réunion de l’instance de dialogue avec les musulmans, au ministère de l’intérieur.

Ce forum imaginé par M. Cazeneuve après les attentats de janvier 2015, afin de pousser les acteurs de l’islam à sortir de leur immobilisme, se réunissait quelques jours après la constitution officielle de la Fondation pour l’islam de France. Présidée par l’ancien ministre Jean-Pierre Chevènement, cette institution, née des précédentes réunions, a pour vocation de financer des projets culturels et éducatifs destinés à favoriser une meilleure connaissance de l’islam.

Loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat oblige, elle ne pourra pas – étant dotée de fonds publics – financer d’activités cultuelles, que ce soit la construction de mosquées ou la formation théologique des cadres religieux (imams et aumôniers). En revanche, M. Chevènement a indiqué qu’elle pourrait aider au financement de la formation profane de ces cadres ou de bibliothèques.

« Offrir d’autres repères »

Les jeunes seront le public visé en priorité par la fondation, a affirmé son président. « Une partie de la jeunesse est privée de repères, peut-être tentée par la radicalité violente. Il nous appartient d’offrir d’autres repères, d’autres chemins de réussite », a déclaré M. Chevènement.

La Fondation disposera d’une dotation de garantie de 1,6 million d’euros, abondé par une précédente structure mort-née et par trois entreprises publiques (SNCF, Aéroports de Paris et SNI, un des principaux bailleurs sociaux). Son budget prévisionnel sera de 1,4 million d’euros par an, ce qui est inférieur aux montants envisagés lors de la gestation du projet. Plusieurs entreprises auraient refusé d’apparaître au rang des fondateurs mais n’excluraient pas de participer ponctuellement, selon une source proche du dossier. L’Aga Khan aurait ainsi promis un million d’euros pour financer la recherche islamologique.

La fondation sur les rails, reste à mettre au point la partie la plus épineuse du dispositif, à savoir une association de financement du culte musulman, qui par définition ne peut relever de l’Etat. Les pouvoirs publics aimeraient pousser les baronnies des fédérations musulmanes et des mosquées à mettre au point un outil efficace et commun pour financer les bâtiments et le personnel religieux, notamment en ce qui concerne sa formation théologique. Aujourd’hui, chaque fédération (notamment celles liées à l’Algérie, au Maroc, à la Turquie ou à la mouvance des Frères musulmans) « bricole » dans son coin, plus soucieuse de préserver son pré carré que de mutualiser ses ressources.

Contraintes du calendrier électoral

Deux des ateliers organisés lundi ont montré qu’il reste du chemin à faire pour y parvenir. Une des pistes consisterait à faire contribuer la filière du halal, dont les acteurs sont à la fois des entreprises privées, des sociétés de certification et des mosquées habilitées à décerner des cartes de sacrificateurs. Les uns et les autres étaient représentés, lundi, tout comme les entreprises qui organisent le pèlerinage de La Mecque, mais il restait à l’évidence beaucoup de travail pour dégager un projet capable d’entraîner tout le monde.

Le Conseil français du culte musulman a rédigé une première mouture des statuts pour cette association cultuelle mais il doit encore les soumettre aux autres composantes de l’islam en France. Son président, Anouar Kbibech, espère parvenir à un accord en janvier 2017. Chacun est conscient des contraintes que fait peser le calendrier électoral de l’année à venir. Le gouvernement a une nouvelle fois pressé ses interlocuteurs d’aboutir. « Il faut aller vite », les a exhortés Bruno Le Roux, le nouveau ministre de l’intérieur.