Des partisans du parti VMRO-DPMNE de Nikola Gruevski célèbrent la victoire de la formation aux élections à Skopje, le 12 décembre. | ROBERT ATANASOVSKI / AFP

Après dix ans de règne sans partage sur la Macédoine, le parti nationaliste VMRO-DPMNE semble en passe de se maintenir au pouvoir. Après vingt-quatre heures d’incertitude durant lesquelles les deux principaux rivaux ont tous deux revendiqué la victoire et se sont accusés mutuellement de fraudes, la Commission électorale a finalement sifflé la fin des débats, lundi soir 13 décembre, et laissé entrevoir une sortie de crise au moins momentanée.

Selon ces résultats définitifs, le VMRO-DPMNE l’emporte d’une très courte tête, avec 38,09 % des voix contre 36,67 % à son rival social-démocrate, le SDSM. Grâce à ces 17 000 voix d’écart, la formation de Nikola Gruevski disposera de la majorité des sièges au Parlement : 51 contre 49 au SDSM, sur un total de 123. Si le processus suit son cours, et si les contestations de l’opposition ne font pas replonger le pays dans la paralysie institutionnelle, il reviendra au VMRO-DPMNE de tenter de former une coalition gouvernementale, et donc de convaincre deux ou trois partis – selon les configurations – de la minorité albanaise (25 % de la population) de s’associer avec lui.

« Suspicions de pression » sur des électeurs

Nikola Gruevski, le tout-puissant maître de la Macédoine, espérait bien mieux, mais il sauve pour l’heure l’essentiel. Contesté depuis plus de deux ans par l’opposition et une partie de la rue, il a déployé une campagne très agressive, estimant notamment « qu’en d’autres temps » son rival, Zoran Zaev, aurait mérité la mort. Alors que ce dernier a tenté, de façon inédite, de s’adresser à la minorité albanaise, M. Gruevski a joué à plein la carte nationaliste, faisant planer la menace d’un démembrement du pays par le SDSM.

Le VMRO a aussi mis en avant ses résultats économiques, avec une croissance annuelle moyenne de 3 % et un chômage passé en dix ans de 36 % à 24 % de la population active. Ces résultats ont été obtenus au prix de subventions coûteuses offertes aux investisseurs étrangers, et de dépenses de construction somptuaires. Des recettes que le Fonds monétaire international juge non durables, mais qui ont leur effet sur l’électorat.

Il ne faut pas non plus sous-estimer la face sombre de la machine de guerre du VMRO-DPMNE. Malgré les efforts de la communauté internationale pour diminuer le contrôle du parti nationaliste sur les institutions nationales et locales, à la suite du scandale des écoutes qui avait révélé en 2015 l’étendue de la corruption, du clientélisme et des pratiques autoritaires au sein du pouvoir, celui-ci a conservé une emprise évidente sur de larges segments de l’électorat, fonctionnaires en tête. Dans son rapport préliminaire la mission d’observation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a évoqué lundi des « suspicions de pression » sur des électeurs mais estimé que le scrutin avait été bien organisé.

Un « Etat captif », selon l’UE

« La question est maintenant et de s’assurer qu’il n’y a pas de retour en arrière démocratique et de voir si cette dynamique positive peut durer », confie un diplomate européen. Pour calmer la crise politique et permettre la tenue d’un scrutin acceptable, les Etats-Unis et l’Union européenne avaient en effet obtenu du pouvoir, avec les accords de Przino de l’été 2015, qu’il accepte de partager avec l’opposition le contrôle d’une partie des institutions les plus sensibles. Revigoré, le VMRO-DPMNE pourrait être tenté de renouer avec ses anciennes pratiques, celles qui ont poussé l’UE, à laquelle Skopje est candidate, à qualifier la Macédoine d’« Etat captif ».

Avant le vote, la journalise et écrivaine Santa Argirova évoquait même le risque d’une « vengeance généralisée contre tous ceux perçus comme ayant trahi ». Désignée dans le cadre des accords de Przino comme une figure « neutre » pour prendre la tête des actualités de la télévision nationale, Mme Argirova décrivait au Monde les pressions importantes qu’elle a eu subir de la part du VMRO-DPMNE dans le cadre de sa mission. Cette mission se terminait dimanche soir à minuit, et la tentation sera grande pour le pouvoir de chercher à reprendre le contrôle sur ces institutions qu’elle avait patiemment, en dix ans de règne, mises à sa botte.

La question se pose de façon similaire pour la procureure spéciale désignée pour enquêter sur le scandale des écoutes, dont la mission est limitée à 18 mois. Celle-ci a d’ores et déjà indiqué qu’il lui faudrait plus de temps, mais le VMRO-DPMNE et son chef Nikola Gruevski, particulièrement menacés par les enquêtes, pourraient être tentés de ne pas accéder à la requête.