Donald Trump, à West Allis (Wisconsin), le 13 décembre | © Shannon Stapleton / Reuters / REUTERS

Editorial du « Monde ». Candidat des petites gens, Donald Trump a mené une campagne populiste sur le malheur des laissés-pour-compte de la mondialisation, fustigeant la mainmise des élites et brocardant l’arrogance des puissants. Président élu, il s’entoure de milliardaires, de patrons de multinationales, de généraux (trois) et d’anciens de la banque Goldman Sachs (trois).

Avec la nomination, mardi 13 décembre, du PDG d’ExxonMobil, Rex Tillerson, à la tête de la diplomatie américaine, la future équipe de M. Trump est pratiquement au complet. Cinq semaines de transition du haut de la Trump Tower ont donné une idée de la méthode Trump en politique : désordonnée et imprévisible, elle foule aux pieds les promesses de campagne et donne la priorité à l’efficacité individuelle de chacun, quitte à ce que les positions des uns et des autres soient en totale contradiction.

C’est le cas, par exemple, à propos de l’accord sur le nucléaire iranien, sur le chan­gement climatique ou sur le commerce mondial. On cherche en vain, ici, une ligne politique directrice, une vision cohérente, en dehors de la ligne « America First ». Le président Trump se chargera sans doute lui-même d’aplanir les divergences, le moment venu.

En cinq semaines, M. Trump a écarté les poids lourds de la politique traditionnelle qui ont aidé à le faire élire : Newt Gingrich, Rudy Giuliani ou Chris Christie, aucun n’a été retenu. Il a nommé un climatosceptique à la tête de l’Agence pour l’environnement, un adversaire du salaire minimum et des syndicats comme ministre du travail, un protectionniste au département du commerce, et, au Trésor, un banquier qui a su prospérer pendant la crise financière. Il n’a rien fait pour lever les inquiétudes sur les innombrables conflits d’intérêts apparus depuis son élection.

Changements radicaux

Son futur secrétaire d’Etat, M. Tillerson, a été choisi parce qu’il est « réellement l’un des grands hommes d’affaires de ce monde », a expliqué le président élu dans un Tweet : tout est dit. Les talents demandés aux membres de l’équipe Trump ne sont ni politiques ni idéologiques, mais ceux de praticiens et d’hommes d’affaires, à l’image du futur président lui-même. A l’exception de deux femmes – les milliardaires Betsy DeVos, à l’éducation, et Elaine Chao, fille d’armateur, aux transports, comme il se doit –, d’un Noir, le neurochirurgien Ben Carson, au logement, cette administration est d’abord masculine, blanche et riche.

En politique extérieure, deux orientations se dessinent : une ligne dure avec la Chine, qui, en quelques jours, a dû encaisser la remise en cause de la politique de la « Chine unique », et un rapprochement avec Taïwan, ainsi que des Tweets vengeurs sur sa politique commerciale et la militarisation de la mer de Chine méridionale ; et un assouplissement probable à l’égard de la Russie.

Dans les deux cas, ces changements radicaux vont avoir des conséquences pratiques importantes pour l’Europe, en termes de sécurité, de commerce et d’économie. Pour les entreprises occidentales, quel va être l’impact d’inévitables tensions sino-américaines ? Comment les gouvernements européens vont-ils gérer une éventuelle levée des sanctions contre la Russie, qui sont – peut-être faut-il le rappeler à M. Trump – des sanctions euro-américaines ?

Les électeurs américains ont choisi Donald Trump. Le reste du monde n’a pas été consulté. C’est pourtant avec ce président-là qu’il va falloir travailler. Attachez vos ceintures.