Les Vénézuéliens se rendent massivement cette semaine dans les établissements bancaires du pays pour rendre leurs billets de 100 bolivars. Le retrait des plus grosses coupures actuelles a été annoncé, le 11 décembre, par le président socialiste, Nicolas Maduro, qui a signé un décret d’urgence ordonnant qu’ils soient retirés de la circulation dans un délai de soixante-douze heures.

Pour justifier sa mesure spectaculaire, qui rappelle la démonétisation opérée en novembre en Inde contre la corruption, Nicolas Maduro a évoqué l’existence de « mafias internationales » ayant accumulé des quantités considérables de billets de 100 bolivars.

Selon le dirigeant socialiste, il s’agit d’un complot orchestren sous-main par le département d’Etat des Etats-Unis – l’éternelle bête noire de Caracas –, pour « asphyxier » l’économie vénézuélienne, déjà mal en point du fait de la chute des cours du pétrole, son unique richesse.

« Personne ne va perdre son argent », a promis le chef de l’Etat, déjà très impopulaire à cause de la crise, demandant aux habitants d’être compréhensifs face à une mesure « dure », mais « inévitable ».

Signe de l’effondrement économique du pays, le billet de 100 bolivars permet à peine de s’acheter un bonbon. A partir du 15 décembre, les nouvelles coupures iront jusqu’à 20 000 bolivars, pour suivre le rythme effréné de l’inflation.

Une inflation de 475 % en 2016

L’annonce de ce retrait a pris la population par surprise. « C’est horrible, horrible, horrible ! Ils ne peuvent pas faire ça à quelques jours de Noël, ils n’ont pas le droit ! », se lamente Yajaira Pérez, femme au foyer venue dès l’aube pour faire la queue devant une agence bancaire de l’est de Caracas. Dès mardi matin, les Vénézuéliens ont dû se précipiter dans les banques et faire la queue, cette fois pour rendre les coupures bientôt dépourvues de valeur.

C’est un nouveau coup dur pour les Vénézuéliens, qui supportent déjà au quotidien des files d’attente interminables dans les supermarchés et les pharmacies. Le pays est plongé dans une grave crise économique se traduisant par une pénurie de 80 % des produits de première nécessité.

Pour beaucoup de Vénézuéliens, l’opération ruine des semaines d’efforts et de patience pour mettre de côté du liquide, alors que l’inflation galopante – 475 % en 2016 selon le Fonds monétaire international – exige d’avoir toujours plus de billets sur soi.

Portant sous le bras un sac plastique rempli de billets, Angel Retali, retraité de 71 ans, attend son tour patiemment dans une file de plus de 60 personnes, tout en confessant qu’il ne comprend rien à la mesure.

Il raconte que, pendant des mois, les retraités recevaient leur modeste pension de 27 091 bolivars en billets de 5, 10, 20 ou 50. Las de ressembler à des « narcotrafiquants » avec une telle quantité de petites coupures, ils avaient obtenu que le gouvernement les paie avec des billets de 100… dont ils doivent désormais se débarrasser.

Le gouvernement a déployé 58 000 militaires pour assurer la sécurité des agences bancaires, tout en ordonnant la fermeture pour soixante-douze heures de la frontière avec la Colombie pour contrer les « mafias » cherchant, selon lui, à introduire de grandes quantités de billets de 100 bolivars.