Manifestation de policiers, devant les Invalides, à Paris, le 13 décembre. | BERTRAND GUAY / AFP

Ils se sont retrouvés pour « maintenir la pression ». Mardi 13 décembre au soir, environ 200 personnes, essentiellement des policiers, se sont réunies à Paris. Aux cris de « policiers en colère, citoyens solidaires » et autres « policiers en danger, société menacée », elles ont marché depuis l’esplanade des Invalides jusqu’à la place Denfert-Rochereau. Lancé début octobre, après l’agression violente de policiers par des jets de cocktails Molotov à Viry-Châtillon (Essonne), le mouvement de grogne, incarné principalement par des rassemblements nocturnes de policiers de voie publique, semblait s’être tassé ces dernières semaines.

Il avait en outre connu un ralentissement après l’annonce par le gouvernement d’une série de mesures, allant du renfort en équipements à la réforme des règles d’emploi des armes à feu, en passant par la promesse de mettre fin aux gardes statiques devant les tribunaux et les préfectures. Le ras-le-bol policier se cristallisait en outre sur une justice pénale considérée comme trop laxiste, sur le poids des syndicats ou la déconnexion de la hiérarchie vis-à-vis de la base.

Les policiers réunis mardi soir semblaient en tout cas n’accorder que peu de crédit au plan gouvernemental dit « de sécurité publique ». « On n’en aura pas la totalité, veut croire Stéphane, 29 ans, gardien de la paix à Paris. Que ce soit par rapport au manque d’effectifs ou d’équipements, le gouvernement ne prend pas en compte notre mouvement. Et la justice ne suit pas. »

Grève du zèle

Ses collègues et amis abondent dans son sens : « Pour l’instant, ce n’est que de la parole, assure l’un d’eux. On continue de faire des gardes statiques, on a toujours des voitures avec 200 000 kilomètres au compteur, des gyrophares et des klaxons qui ne marchent pas, des commissariats qui sont de vrais taudis… »

Mardi matin, la chaîne BFM Business évoquait par ailleurs la persistance d’une grève du zèle dans les services, citant des documents du ministère de l’intérieur selon lesquels, hors agglomération parisienne, les verbalisations en novembre 2016 seraient « en chute libre » par rapport à novembre 2015 : « – 46 % pour les excès de vitesse, – 52 % pour les feux rouges brûlés et – 54 % pour les infractions liées au téléphone portable… »

« Plutôt que de verbaliser, on fait de la pédagogie », confirme Eric, un gardien de la paix de 36 ans, qui travaille en banlieue parisienne. Eric est membre de l’association Mobilisation des policiers en colère (MPC), qui se revendique apolitique et asyndicale. Créé début novembre, MPC ambitionne de structurer le mouvement. Elle a notamment déclaré – avec le Collectif libre et indépendant de la police, créé en 2012 à Lyon –, la manifestation de mardi. Une première. Depuis début octobre, les rassemblements nocturnes ne faisaient pas l’objet de déclaration en préfecture.

« On étend le MPC un peu partout en France, reprend Eric. On reçoit une centaine de mails par jour. Ça prend du temps parce qu’on est des néophytes, mais c’est une lame de fond. » Une gardienne de la paix de 32 ans, également membre de MPC, ajoute : « On a été une grosse dizaine à préparer le rassemblement de ce soir. Maintenant, on veut que le ministre reçoive une délégation. »

Mardi, une minute de silence a été observée en mémoire des policiers morts et blessés en service. La Marseillaise a retenti. Plus tard, les enceintes du camion sono ont diffusé Le Chant des partisans. Le 21 décembre, le nouveau ministre de l’intérieur, Bruno Le Roux, doit présenter en conseil des ministres un projet de loi qui comprend notamment une réforme des règles d’ouverture du feu et un durcissement de la sanction pénale pour outrage à agent. Sa clientèle n’est pas conquise.