L'Oceane, le nouveau TGV reliant Paris à Bordeaux, le 11 décembre. | MEHDI FEDOUACH / AFP

Vendredi 16 décembre, en guise d’étrennes de fin d’année, le conseil d’administration de la SNCF devrait offrir aux 150 000 cheminots français un budget 2017 particulièrement serré assorti d’une réduction nette d’effectifs d’environ 1 200 postes, correspondant à des départs non remplacés. C’est ce qui ressort de la séance du comité central du groupe public ferroviaire (CCGPF), mercredi 13 décembre, au cours duquel les prévisions pour l’année prochaine ont été présentées aux organisations syndicales.

Les représentants des salariés ont unanimement émis un avis négatif concernant cette décision, proclamation symbolique car l’avis est seulement consultatif. « Nous sommes en face d’un budget d’austérité et d’un plan social déguisé », affirme Céline Simon, déléguée syndicale centrale CGT, membre du CCGPF. « C’est un budget de crise », confirme Roger Dillenseger, représentant l’UNSA au comité.

La CGT estime de son côté que ce sont entre 1 800 et 2 300 postes qui seront supprimés, soit plus de 1 % des effectifs cheminots. « Nous prenons en compte le plan de réduction des coûts de 5 % par an et les exigences de l’Etat pour arriver à ce chiffre », précise Mme Simon. Les syndicats relèvent que les prévisions correspondent rarement au constat final. Ce sera le cas en 2016, année pour laquelle 1 400 suppressions avaient été annoncées, mais dont le bilan mi-décembre sera plus proche des 2 000. SUD, de son coté, va jusqu’à anticiper 4 000 postes en moins et qualifie le budget de « pire (…) jamais vu à la SNCF ».

Impératif de rentabilité

Pour entrer dans les détails, 285 suppressions de postes ont été annoncées en comité au sein de l’établissement public qui chapeaute les branches SNCF Réseau et SNCF Mobilité.
Cette dernière branche (celle qui fait rouler les trains) est la plus touchée avec 1 215 postes supprimés. La branche Réseau est la seule à connaître une augmentation nette de ses effectifs : 2 600 embauches sont prévues pour faire face à l’énorme chantier de régénération des voies, soit 350 de plus que le nombre de départs à la retraite. En bout de ligne, la direction chiffre à une évolution positive de 270 postes net pour les effectifs de Réseau.

Selon nos informations, les métiers qui seront les plus touchés par les coupes sont ceux de l’entretien du matériel, des services administratifs et de la vente aux voyageurs. Des guichets vont fermer : la gare de Saint-Pierre-des-Corps (Indre-et-Loire), ainsi que les petites gares de la côte basque sont les premières concernées. Des gares entières pourraient aussi disparaître, comme celle de Castelsarrasin (Tarn-et-Garonne).

Cette évolution des effectifs n’est pas une nouveauté. « Nous réalisons un gain de productivité de 2 % par an, expliquait le président de la SNCF, Guillaume Pepy, en juin dernier. La SNCF supprime jusqu’à 2 500 postes de cheminots tous les ans. » Il faut dire qu’il y a un impératif de rentabilité. La SNCF s’efforce de réaliser 500 millions d’euros par an d’économies. C’est sa participation à la remise en état de son bilan plombé par la dette de Réseau (44 milliards d’euros).

Contexte dégradé

Mais ce budget arrive dans un contexte encore plus dégradé que d’habitude. Difficile de ne pas qualifier 2016 d’Annus horribilis pour la SNCF. Les attentats de novembre 2015 ont pesé sur l’activité, en particulier celle des Eurostar, Thalys et TGV, soit la partie opérationnelle la plus rentable. La grève de juin 2016 sur la nouvelle organisation du travail aura coûté 250 millions à l’entreprise. Résultat : le chiffre d’affaires 2016 de la branche Mobilité atteindra péniblement les 14,8 milliards d’euros, en déficit de 474 millions d’euros par rapport au budget initial.

Le budget de Mobilité est prévu en hausse de 3,3 % à 15,3 milliards d’euros. Un objectif atteignable : grèves et attentats ne se répéteront peut-être pas en 2017 avec l’ampleur de 2016, espère l’entreprise. « Mais il faudra faire au moins autant avec moins l’année prochaine », souligne Roger Dillenseger. Un numéro managérial compliqué dans la mesure où un surcoût des péages ferroviaires d’environ 300 millions d’euros est à prévoir en 2017, en raison de l’ouverture de la nouvelle ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux.

Les autres budgets resteront stables en 2016. Celui de l’établissement de tête atteint 1,7 milliard d’euros, celui de SNCF Réseau 8,4 milliards. Mais compte tenu de l’ampleur de la tâche de régénération des lignes en France, cette stabilité semble minimale à bon nombre d’observateurs. « Seulement 270 postes supplémentaires pour faire face à ce chantier colossal, c’est insuffisant, affirme M. Dillenseger. L’augmentation de la sous-traitance et de l’externalisation devient inévitable. »