Le magnat des médias Rupert Murdoch, à Sun Valley (Idaho), en juillet 2015. | © Mike Blake / Reuters / REUTERS

Rupert Murdoch va-t-il cette fois-ci passer le test des régulateurs et de l’opinion publique ? Jeudi 15 décembre, six ans après une première tentative, la société du magnat de la presse, 21st  Century Fox, a officiellement proposé 11,7 milliards de livres sterling (14 milliards d’euros) pour acquérir l’intégralité du bouquet satellite européen Sky, dont il détient déjà 39 %. Le propriétaire de Fox News posséderait ainsi la totalité du premier groupe de télévision à péage d’Europe.

Comme il y a six ans cependant, lorsque le magnat avait dû reculer, l’accord inquiète beaucoup au Royaume-Uni. La famille Murdoch y exerce déjà une position dominante dans les médias. Elle possède les quotidiens The Times et The Sun, qui rassemblent, en comptant leur édition dominicale, 40 % du lectorat de la presse du pays. Quant à Sky, il contient Sky News, l’une des deux chaînes d’information en continu du pays.

« La menace a augmenté »

En 2010, la première tentative était intervenue en plein scandale des écoutes téléphoniques. Le Guardian avait révélé que le journal du dimanche News of the World, propriété du groupe Murdoch, avait illégalement mis sur écoute des milliers de personnes pour nourrir son tabloïd de scandales frais. Après des mois de polémiques, la famille Murdoch avait finalement dû reculer en juillet 2011.

La controverse est aujourd’hui retombée mais tous n’ont pas la mémoire courte. « Depuis 2011, la menace posée par cette acquisition a énormément augmenté », estime Evan Harris, le directeur de Hacked Off, un groupe représentant les victimes des écoutes :

« On sait désormais que des dirigeants [des quotidiens britanniques du groupe Murdoch] ont menti devant le Parlement (…), on a découvert qu’ils avaient eu des dizaines de réunions secrètes avec des ministres chaque année et on a entendu un juge affirmer que le Sun avait aussi à répondre des écoutes téléphoniques. »

Loi sur la neutralité politique

Tom Watson, le numéro deux du Parti travailliste, demande à ce que le gouvernement britannique en réfère au régulateur britannique des télécommunications, l’Ofcom. Il faut « évaluer si, à la suite de cette opération, les médias seront concentrés dans trop peu de mains ». Il défie Theresa May de tenir parole :

« La première ministre a dit cet été que, quand elle aura à prendre d’importantes décisions, elle ne penserait pas aux puissants mais au peuple. C’est une décision importante. Elle doit décider à quel camp elle appartient. »

A partir du dépôt formel du dossier, début janvier, le gouvernement britannique aura dix jours pour saisir l’Ofcom. Celui-ci doit décider si la pluralité des médias est en danger.

L’une des principales inquiétudes est que Sky News soit forcé de suivre le modèle de Fox News, réputé aux Etats-Unis pour son parti pris conservateur. C’est en principe impossible car il existe outre-Manche une loi imposant la neutralité politique des télévisions. Mais, il y a six ans, cette assurance avait paru insuffisante. La famille Murdoch avait été forcée de promettre de se séparer de Sky News. Cette fois-ci, elle estime que ce ne sera pas nécessaire. Aux régulateurs de trancher.