A Alep (Syrie), le 15 décembre. | THAER MOHAMMED/AFP

Des dizaines de milliers de civils syriens et de combattants étaient bloqués, samedi 17 décembre, dans l’ultime quartier d’Alep contrôlé par la rébellion, en proie au froid, à la faim et la peur d’une attaque des forces progouvernementales.

Le processus d’évacuation, patronné par la Russie et la Turquie, qui avait permis d’extraire 8 000 personnes, dont 3 000 combattants, de ce réduit durant la journée de jeudi, a été suspendu vendredi, sur intervention de l’Iran et des milices pro-iraniennes qui épaulent l’armée régulière syrienne, notamment le Hezbollah libanais. Pour cesser de faire obstruction au départ des habitants d’Alep-Est, ces forces exigent un allègement du blocus imposé par les rebelles anti-Assad à deux villages chiites syriens de la province voisine d’Idlib, Foua et Kefraya.

« C’est nous qui avons arrêté l’opération [d’évacuation] et ils ne sortiront pas tant que des milliers de personnes ne sortiront pas de Foua et Kefraya, n’en déplaise aux pays qui soutiennent les rebelles, a déclaré vendredi Hussein Mortada, le patron de la chaîne iranienne Al-Alam, se faisant le porte-parole de ces groupes armés chiites de diverses nationalités (irakiens, afghans, libanais) financés par Téhéran. Si les bus n’entrent pas dans Foua et Kefraya, et le temps pour négocier est compté, l’armée syrienne reprendra ses opérations, arrêtera ou tuera les rebelles qui restent. »

Les ONG sommées de retirer leur personnel

Vendredi matin, des tirs attribués à des miliciens chiites, à proximité de l’enclave rebelle d’Alep, ont semé la panique parmi la foule qui attendait son transfert par bus vers une zone rurale sous le contrôle de la rébellion. Des vidéos mises en ligne par des militants anti-Assad montrent des familles en train de fuir, au milieu d’une file de véhicules, sur fond de crépitement d’armes automatiques.

Au même moment, un convoi déjà en route pour l’ouest d’Alep, était intercepté par des miliciens qui l’ont obligé à rebrousser chemin. Des sources au sein de l’opposition affirment qu’avant de faire demi-tour les passagers ont été fouillés, parfois dépouillés de leurs effets personnels, et qu’à la suite d’une altercation avec des combattants chiites, quatre personnes ont été abattues. Ces allégations n’ont pas pu être corroborées de source indépendante.

La Russie a alors annoncé, contre toute évidence, que l’évacuation des assiégés d’Alep-Est était achevée, donnant l’impression aux opposants syriens que Moscou cherchait à se dédouaner de la faillite de cette opération. Les organisations humanitaires qui la supervisaient jusque-là, comme le comité international de la Croix-Rouge et l’Organisation mondiale de la santé, ont été sommées de retirer leur personnel, accentuant l’inquiétude de la population candidate au départ.

Déploiement d’observateurs

L’Iran, tenue à l’écart des discussions entre Ankara et Moscou sur l’évacuation des rebelles et des civils d’Alep-Est, soutient que l’accord, conclu mardi soir, inclut une sortie des blessés de Foua et de Kefraya. Selon un haut responsable de l’insurrection, les brigades rebelles seraient prêtes à remplir cette exigence. Les deux villages sont assiégés depuis bientôt deux ans par des groupes armés islamistes, dont le Front Fatah Al-Cham, une faction issue d’Al-Qaida. Mais selon le Hezbollah, une route devant être utilisée pour la sortie des blessés a été bombardé vendredi, ce qui ferait planer le doute sur les intentions des rebelles.

Au sein de l’opposition armée, on redoute que Téhéran et ses alliés sur le terrain, en accord avec Damas, continuent à parasiter l’évacuation d’Alep-Est, aussi longtemps que le siège de Foua et Kefraya ne sera pas intégralement levé. Le sort de ces deux villages, qui sont ravitaillés par les airs par l’armée syrienne, est lié à celui de deux localités sunnites, Madaya et Zabadani, à l’ouest de Damas, où de nombreux cas de décès par famine ont été signalés. Un accord conclu en 2015, dit des « 4 villes », prévoyait leur désenclavement progressif et parallèle. Mais après quelques livraisons d’aides et évacuations partielles, cet arrangement s’est effondré.

Longtemps silencieux sur Alep, le président américain Barack Obama a réclamé vendredi le déploiement d’observateurs internationaux dans la ville, pour sécuriser la sortie des rebelles et des civils. La France a présenté le même jour un projet de résolution en ce sens au Conseil de sécurité de l’ONU qui pourrait être mis au vote ce week-end. Samedi matin, un responsable de l’opposition a annoncé qu’un nouvel accord sur la reprise des évacuations avait finalement été trouvé.

Pourquoi Alep est-elle finalement tombée ?
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