L’enquête sur la mort de Maria L., cette étudiante en médecine de 19 ans, dont le corps a été repêché dans une rivière, le 16 octobre, à Fribourg-en-Brisgau (Bade-Wurtemberg), avait relancé, outre-Rhin, le débat sur l’immigration : en raison de l’identité du meurtrier présumé, un réfugié afghan de 17 ans arrêté le 2 décembre après avoir été confondu par son ADN, les contempteurs de la politique migratoire de la chancelière, Angela Merkel, y ont vu une confirmation de leur position.

De politique, l’affaire devient désormais diplomatique. En cause, le passé du jeune Afghan, Hussein K., dont on a appris qu’il avait déjà agressé une étudiante sur l’île grecque de Corfou, en 2013. Condamné à dix ans de prison, il avait été libéré au bout de deux ans, profitant d’une loi d’amnistie dont l’objectif était de désengorger les prisons grecques d’un certain nombre de jeunes prisonniers qui s’étaient comportés convenablement durant leur détention.

Comment un individu au tel pedigree a-t-il pu rejoindre l’Allemagne ? Jeudi 15 décembre, devant l’émoi provoqué par ces révélations, le ministre de l’intérieur, Thomas de Maizière, s’en est pris aux autorités grecques, leur reprochant de ne pas avoir signalé les antécédents judiciaires du jeune homme dans les fichiers européens recensant les demandeurs d’asile. Si cela avait été le cas, « le suspect aurait été repéré lors des contrôles en bonne et due forme effectués par les autorités allemandes », a déclaré M. de Maizière.

Limites de la coopération européenne

Face à ces accusations, le ministère de l’intérieur grec a contre-attaqué, jeudi soir, en rappelant que le nom d’Hussein K. se trouvait sur la base de données Eurodac, où figurent les empreintes digitales des demandeurs d’asile arrivés en Europe. Selon Athènes, si les Allemands l’avaient consulté au moment où le jeune homme s’est enregistré outre-Rhin, à l’automne 2015, ils auraient appris que sa demande avait déjà été rejetée par la Grèce, en 2013, et ne l’auraient de surcroît pas enregistré comme mineur, l’intéressé étant né en réalité… en 1996.

S’il pointe un problème réel, celui des limites de la coopération européenne en matière d’échange de données relatives à la sécurité du continent, Thomas de Maizière sait aussi qu’en fustigeant l’impéritie de l’Etat grec, il conforte les préjugés solidement ancrés chez ses concitoyens, espérant sans doute, ce faisant, que le débat ne se focalise pas sur les éventuelles défaillances des autorités allemandes.

Pour le gouvernement de Mme Merkel, l’enjeu est d’autant plus important que l’affaire tombe à un moment particulièrement sensible, près d’un an après la nuit de la Saint-Sylvestre lors de laquelle 1 200 femmes avaient été victimes d’agressions sexuelles – dont la moitié à Cologne – la plupart des suspects identifiés étant originaires des pays du Maghreb.

Pour ceux qui avaient vu dans les événements de Cologne une preuve de l’incapacité des autorités du pays à faire face au danger que représente, à leurs yeux, l’arrivée en masse de jeunes musulmans en Allemagne, l’affaire Maria L. vient à point nommé. C’est le cas à l’extrême droite, mais aussi parmi les propres alliés conservateurs Mme Merkel. A l’instar de Markus Söder, ministre des finances du Land de Bavière, pour qui l’affaire pose crûment la question de « la protection de [notre] patrie ».