Le président Joseph Kabila, le 15 novembre, à Kinshasa. | JUNIOR D.KANNAH / AFP

Les négociations pour tenter de trouver une issue à la crise politique autour de la succession du président de la République démocratique du Congo, Joseph Kabila, ont été suspendues le 17 décembre, faute d’accord entre le pouvoir et l’opposition.

La médiation dite « de la dernière chance », organisée par l’église congolaise, devrait reprendre mercredi, selon la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco). Le second mandat de M. Kabila s’achèvera mardi 20 décembre, mais il entend rester au pouvoir suite au report de l’élection présidentielle, qui était prévue cette année. Les discussions portent sur la mise en place d’une période de transition, car la constitution interdit à M. Kabila de se représenter.

Entamées le 8 décembre, ces négociations devaient initialement s’achever vendredi. Elles ont été prolongées samedi dans l’espoir d’arracher un accord entre représentants et soutiens du pouvoir et de l’opposition avant le 20 décembre. Mais les parties ont une nouvelle fois constaté leurs profonds désaccords, empêchant toute issue positive avant que les évêques ne s’envolent en soirée pour le Vatican, pour un voyage prévu de longue date avec un retour en RDC mardi soir.

« Il n’y a aucun accord. La majorité [présidentielle] campe sur ses positions, ne faisant aucune concession sur des matières qui exigent une réponse politique », a déclaré le secrétaire général de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) de l’opposant historique Etienne Tshisekedi. « Nous avons échoué dans la démarche de régler l’impasse politiquement. Le dernier mot revient au peuple qui sait comment régler cette crise créée par M. Kabila et sa majorité », a poursuivi Jean-Marc Kabund, tout en assurant n’avoir « pas rompu avec les négociations ».

Crainte d’un embrasement de la rue

Depuis plusieurs jours, la menace d’un embrasement de la rue pèse, même si l’opposition n’a pas ouvertement appelé à manifester contre le président Kabila. Dans l’éventualité d’un embrasement des quartiers populaires de Kinshasa, acquis à l’opposition, le pays retient son souffle. Les investissements étrangers sont suspendus, les nantis et les expatriés quittent le pays, les ambassades ont évacué leurs employés.

La police congolaise a mis en place vendredi des barrages routiers à Kinshasa, et des blindés de la Garde républicaine ont été déployés samedi dans le quartier administratif de la capitale, à proximité du palais présidentiel, selon des journalistes de l’AFP. Les autorités ont également demandé aux opérateurs internet de filtrer ou couper les réseaux sociaux à compter de 23 h 59 dimanche.

Période de transition

Les détracteurs du président -rassemblés essentiellement autour de Tshisekedi, figure historique de l’opposition - l’accusent d’avoir orchestré le report de l’élection et d’envisager de changer la Constitution pour se maintenir au pouvoir. M. Kabila, 45 ans, ne dévoile rien de ses projets, si ce n’est sa volonté de se maintenir en poste jusqu’à l’élection d’un successeur. Par ailleurs, une frange minoritaire de l’opposition a signé avec la majorité un accord qui prévoit que M. Kabila reste au pouvoir avant une élection prévue au plus tôt en avril 2018.

Les négociations avaient été lancées à l’initiative des évêques, qui disaient début décembre craindre de voir le pays sombrer dans « une situation incontrôlable » si aucune solution politique n’était trouvée avant le 20 décembre. La communauté internationale a également exhorté les parties à négocier, craignant, à l’instar du Département américain, des « risques de troubles et de violences ».

Les 19 et 20 septembre, après l’officialisation du report de la présidentielle, une cinquantaine de personnes avaient trouvé la mort à Kinshasa - mégapole de 10 millions d’habitants - lors d’affrontements entre jeunes et forces de l’ordre en marge d’une manifestation « d’avertissement » au chef de l’État.

La RDC n’a connu aucune alternance démocratique depuis son indépendance de la Belgique en 1960. État-continent de 70 millions d’habitants, l’ex-Zaïre a été ravagé par deux guerres entre 1996 et 2003. L’immense majorité de la population vit dans la misère et ses conditions de vie ne font qu’empirer avec la crise économique qui frappe le pays depuis 18 mois.