La mobilisation des chauffeurs contre les plates-formes VTC lancée jeudi 15 décembre s’explique largement par la fatigue accumulée d’une activité intense et à la rentabilité aléatoire. Sur les 22 000 conducteurs travaillant pour les diverses plateformes VTC, dont la majorité pour Uber, ils n’ont toutefois été que quelques centaines, voire un peu plus d’un millier vendredi à manifester en région parisienne, notamment sur l’autoroute 1 (A1) menant à l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle.

Et pour cause, faire grève et perdre un ou plusieurs jours de travail peut être fatal à ces chauffeurs. Aujourd’hui, « sur le prix d’une course, 40 à 50 % de la somme perçue par un conducteur permettent de payer ses charges », juge-t-on au sein d’une de ces plates-formes.

« Pour louer ma berline et payer mes frais d’essence, je débourse 105 euros en moyenne chaque jour », explique Yazid Sekhri, un chauffeur utilisant presque exclusivement l’application Uber et encarté à la CFDT. A cela s’ajoute la commission prise par l’application américaine, qui a été augmentée à 25 %, au début décembre. C’est d’ailleurs ce passage de la commission de 20 % à 25 % qui a fait monter la colère des chauffeurs.

« Si c’est pour gagner moins que le smic, j’arrêterai »

« Au final, mes revenus propres dépendent donc du chiffre d’affaires généré. Et depuis une semaine, avec la mobilisation, ce n’est pas terrible… », ajoute cet ancien chauffeur de taxi, puis de poids lourds. Dimanche 18 décembre, pour rattraper le manque à gagner de la semaine, Yazid Sekhri a « dû travailler plus que [s]es 10 à 12 heures quotidiennes » :

« J’ai roulé seize heures sur la journée. Sur cette période, j’ai réalisé 35 courses, pour faire rentrer 360 euros. »

Aujourd’hui, le chauffeur est salarié d’une entreprise capacitaire LOTI (loi d’orientation des transports intérieurs) et est censé être rémunéré au smic par cet employeur. « L’an prochain, avec la loi Grandguillaume, je ne pourrai plus être salarié, il faudra devenir chauffeur VTC indépendant », reprend Yazid Sekhri. Le texte, qui passe en seconde lecture lundi 19 décembre à l’Assemblée nationale, prévoit que les salariés dits « LOTI » pourront obtenir le statut de chauffeur VTC s’ils peuvent justifier d’une année de pratique à temps plein…

« C’est là que le bât blesse, les entreprises n’embauchent qu’à temps partiel, car ce n’est pas rentable d’employer des chauffeurs à temps plein. Certains collègues complètent en se mettant à leur compte et paient leurs charges salariales et patronales, mais c’est extrêmement difficile de joindre les deux bouts », conclut le conducteur, qui réfléchit à son avenir dans la profession. « Si c’est pour gagner moins que le smic, j’arrêterai. »