Donald Trump à Hershey (Pennsylvanie), le 15 décembre. | MARK WILSON / AFP

Editorial du « Monde ». Donald Trump paraît sur le point de bouleverser radicalement la politique américaine dans le conflit israélo-palestinien. Tel est le signe qu’il vient d’adresser à toutes les parties concernées en désignant l’un de ses avocats, David Friedman, comme prochain ambassadeur des Etats-Unis en Israël. M. Friedman est activement engagé auprès de l’extrême droite israélienne. Il est opposé à la création d’un Etat palestinien. Il défend la colonisation de la Cisjordanie par Israël. Il entend déplacer l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem.

Si elle est confirmée par le Sénat, sa nomination marquera bel et bien une rupture dans la politique américaine au Proche-Orient. Depuis 1967, et l’occupation des territoires palestiniens, les Etats-Unis s’opposent au développement des implantations israéliennes en Cisjordanie et dans la partie orientale de Jérusalem – illégales au regard du droit international, elles sont considérées par le département d’Etat comme un « obstacle à la paix ».

Depuis 1993, Washington défend le principe de la création d’un Etat palestinien aux côtés d’Israël. Enfin, même s’ils en ont parfois émis l’intention, les présidents américains ont toujours renoncé au déplacement de l’ambassade, le statut de Jérusalem devant faire partie d’un accord de paix avec les Palestiniens.

Le tournant figurait en filigrane dans la plate-forme républicaine adoptée cet été au moment de l’investiture de Donald Trump. Au chapitre du Proche-Orient, elle ne reprenait pas la solution dite des « deux Etats ». Elle ne comprenait aucune condamnation de la colonisation. Mais la nomination de M. Friedman – 57 ans, ami personnel du président élu et l’un de ses avocats dans la monumentale faillite des casinos Trump d’Atlantic City – va plus loin.

Terminologie des colons

Elle marque la fin définitive de toute ambition américaine de favoriser, en tant « qu’honnête courtier », un règlement de paix entre Israéliens et Palestiniens. Les Etats-Unis se rangent non pas du côté d’Israël, leur ami et leur allié dans la région, mais du côté de l’ultra-droite israélienne. M. Friedman fait partie du mouvement des colons. Il finance le développement des implantations. Il soutient le site d’information Arutz Sheva, l’un des organes de la droite nationale religieuse.

M. Friedman a accusé le président Barack Obama « d’antisémitisme » – pour avoir dénoncé la colonisation. Il a jugé que le mouvement américain juif progressiste J Street, partisan des « deux Etats » de même que de l’accord conclu sur le nucléaire iranien, était pire que les « kapos » des camps de la mort nazis, rapporte le New York Times. « Nous sommes d’avis que les Israéliens ont autant de droits, sinon plus, que les Palestiniens, à s’installer en Judée et Samarie », a déclaré, en novembre, M. Friedman, reprenant la terminologie des colons pour désigner la Cisjordanie. M. Friedman, qui a une maison à Jérusalem, a dit que le déménagement de l’ambassade américaine de Tel-Aviv à la ville sainte serait l’une de ses priorités.

Contrairement à l’habitude, sa désignation a été annoncée par M. Trump alors que celle de son candidat au poste de secrétaire d’Etat, Rex Tillerson, n’a pas encore été confirmée par le Sénat. Comme si M. Trump avait voulu manifester lui-même son intention de rompre avec la politique suivie par les Etats-Unis dans le conflit israélo-palestinien depuis près de trente ans. C’est un mauvais signe pour la paix dans cette région.