Des policiers français à l’aéroport de Biarritz, le 19 décembre, lors du transfèrement des cinq personnes interpellées à Louhossoa. | IROZ GAIZKA / AFP

Depuis l’arrestation de cinq membres de la société civile basque, dans la nuit du 16 au 17 décembre, la question du désarmement de l’organisation clandestine et séparatiste basque Euskadi ta Askatasuna (ETA) refait surface. L’opération, menée par les forces de police françaises et espagnoles, dans une maison, située à Louhossoa, dans les Pyrénées-Atlantiques, a donné lieu à « une importante saisie d’armes, d’explosifs et de munitions », a précisé, dans un communiqué, le ministère de l’intérieur français.

Pour Michel Tubiana, président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme (LDH) qui « aurait dû être sur place », l’objectif de cette opération était de « neutraliser » cet arsenal afin de « montrer symboliquement » qu’ETA souhaite « se débarrasser de ses armes dans la perspective de les rendre aux pouvoirs publics ».

Aujourd’hui encore, l’organisation séparatiste possède un « arsenal significatif », explique Jean-Pierre Massias, professeur de droit public à l’université de Pau et spécialiste d’ETA. « Les caches ou zulos” [en basque] sont disséminées principalement en France », base arrière traditionnelle d’ETA, dans des « endroits assez éloignés du Pays basque », afin de limiter le risque de découverte. Ce fut, pourtant, le cas le 12 octobre dernier lorsque la France et l’Espagne ont annoncé le démantèlement d’une cache d’armes d’ETA à Carlepont (Oise), dans la forêt de Compiègne, à 120 kilomètres au nord de Paris.

  • Une tentative de désarmement amorcée en 2014

Fondée en 1959, ETA est tenue pour responsable de la mort de plus de 800 personnes en plus de quarante années de lutte armée pour l’indépendance du Pays basque et de Navarre. Mais depuis 2011, l’organisation a renoncé définitivement à la violence. Le 17 octobre, une conférence est organisée, à Saint-Sébastien dans le nord de l’Espagne, par des mouvements nationalistes basques. Plusieurs négociateurs internationaux font également le déplacement.

Parmi eux, Kofi Annan, l’ancien secrétaire général de l’ONU et trois personnalités impliquées dans le processus de paix en Irlande du Nord, dont le président du parti nationaliste Sinn Fein, Gerry Adams, et l’ancien premier ministre Bertie Ahern. Un processus de paix unilatéral est alors initié auquel « les gouvernements français et espagnol n’ont pas voulu s’associer », rappelle Jean-Pierre Massias.

Début 2014, ETA commence pourtant un processus de désarmement et de mise hors d’usage de son arsenal. Pour prouver sa bonne volonté, l’organisation diffuse alors une vidéo, tournée en janvier dans un lieu inconnu, montrant deux militants d’ETA, cagoulés, présentant un petit stock d’armes et d’explosifs à deux des experts de la Commission internationale de vérification du cessez-le-feu (CIV), le président sri-lankais de la Commission, Ram Manikkalingam, et le Sud-Africain Ronnie Kasrils.

Pour Jean-Pierre Massias, cette mise en scène montre que « le désarmement est aussi une bataille de communication ». « Au travers de la résolution du conflit, ETA cherche à obtenir une légitimité. Montrer qu’ils ont existé en tant que force militaire, alors que le gouvernement espagnol veut montrer qu’il s’agit de voyous et de monstres. »

  • Le refus de l’Espagne de reconnaître la CIV

Créée en 2011, la CIV est composée d’experts précédemment engagés dans la résolution de conflits en Irlande du Nord, en Afrique du Sud ou en ex-Yougoslavie. En février 2014, la commission annonce, lors d’une conférence de presse à Bilbao, dans le nord de l’Espagne, la mise sous « scellé d’une certaine quantité d’armes, de munitions et d’explosifs ».

Mais cette initiative se heurte au refus de l’Espagne de reconnaître cette commission. Dès lors, Jean-Pierre Massias estime que « la question du désarmement en est nulle part ». « L’Espagne demande une reddition totale de l’organisation, qu’elle cesse d’exister en tant qu’organisation. Ils veulent une victoire totale contre une défaite totale », explique-t-il. « Le désarmement n’est pas qu’une question technique, c’est devenu un enjeu politique », poursuit le chercheur.

Selon lui, le gouvernement espagnol « a tout intérêt à maintenir une vision répressive du conflit ». « Si la violence d’ETA disparaît, les conditions au Pays basque d’un référendum d’autodétermination seront plus faciles à obtenir. » Le chercheur indique une autre raison :

« La démocratie espagnole post-franquiste s’est construite autour de la question d’ETA, résoudre ce conflit obligerait l’Espagne à entamer sa propre introspection sur ses méthodes de lutte antiterroriste. »