C’est un premier signe de détente après des mois de bras de fer au Conseil de sécurité entre les Occidentaux et la Russie, qui avait bloqué jusqu’ici six résolutions sur la Syrie. « Alep risque d’être le tombeau de l’ONU », avait mis en garde l’ambassadeur français aux Nations unies, François Delattre. Après de laborieuses discussions et des consultations entre Moscou et le régime syrien, le projet présenté par Paris la veille a finalement été voté le 19 décembre à l’unanimité par les quinze membres du Conseil. La résolution 2328 devrait permettre, si elle est appliquée, le déploiement rapide d’observateurs onusiens à Alep pour y superviser l’évacuation des civils, l’acheminement des aides humanitaires et les soins médicaux d’urgence.

« Nous avons les bases maintenant pour nous permettre d’éviter de nouvelles atrocités à Alep », s’est félicité l’ambassadeur français, soulignant que « l’objectif est d’éviter un nouveau Srebrenica », se référant aux massacres qui avaient suivi en juillet 1995 la conquête de cette petite ville bosniaque par les forces serbes. Mais le vrai enjeu est de savoir ce qu’il en sera concrètement alors que les quelques représentants d’agences de l’ONU ou de la Croix-Rouge déjà présents sur place ne peuvent pas faire grand-chose. « La résolution de l’ONU leur donne un statut d’autant que ce texte a aussi été voté par Moscou », espère un diplomate.

Les relations russo-iraniennes de plus en plus compliquées

L’attitude apparemment plus coopérative de la Russie amorce-t-elle un véritable tournant ? « Nous avons besoin de ce changement car c’est la politique de la Russie qui a empêché le Conseil de présenter l’unité nécessaire pour fixer le cap vers la fin de ce conflit », espère l’ambassadeur britannique, Matthew Rycroft. Les optimistes veulent croire que Moscou a craint d’être par trop isolé en s’opposant à un texte strictement humanitaire. « Je n’imagine même pas qu’il lui soit possible de le faire », avait ainsi lancé François Hollande à la fin du Conseil européen de la semaine dernière où les 28 avaient discuté de la situation à Alep et appuyé le projet français.

« Les Russes avaient besoin de voter ce texte pour recréer un rapport de force avec l’Iran et montrer que tout le monde est de leur côté », analyse un haut diplomate français. Moscou et Téhéran sont les deux alliés de Damas, mais leurs relations deviennent de plus en plus compliquées. Ce sont en effet les milices chiites qui jusqu’ici avaient bloqué la mise en œuvre de l’évacuation, exigeant une contrepartie pour des villages chiites assiégés par la rébellion syrienne. Les Russes craignent aussi l’enlisement en Syrie autant que les surenchères de Téhéran dans son soutien à Bachar Al-Assad.

« Nous espérons maintenant que Poutine amène le régime à la table des négociations comme on le lui demande depuis longtemps », souligne-t-on à Paris où, comme à Washington ou à Londres, tous rappellent qu’il n’y a d’autre solution au conflit que négociée sur la base de la résolution 2254, votée il y a un an et qui fixait une feuille de route pour l’ouverture de négociations pour une transition politique. Renforcé par la reconquête d’Alep grâce à ses alliés russes et iraniens, Bachar Al-Assad n’a aucun intérêt à une reprise des négociations de paix avec l’opposition, qui continue d’exiger son départ au terme du processus. Moscou assure vouloir maintenant arriver à un cessez-le-feu général. C’est l’objectif de la coopération toujours plus étroite de Vladimir Poutine avec son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan. Mais l’assassinat à Ankara, le 19 décembre au soir, de l’ambassadeur russe par un policier turc islamiste radicalisé risque de compliquer encore un peu plus la donne.