Jean-Yves Le Drian, le ministre français de la défense, Malcolm Turnbull, le premier ministre australien, le 20 décembre à Adelaïde (Australie). | BRENTON EDWARDS / AFP

« Une nouvelle phase de notre histoire », « une aventure considérable pour nos deux pays ». Jean Yves Le Drian, le ministre de la défense, a ainsi salué l’accord intergouvernemental liant la France et l’Australie au programme des sous-marins Shortfin Barracuda signé, mardi 20 décembre, avec le premier ministre australien, Malcolm Turnbull.

Cette signature intervient huit mois après la sélection par Canberra du français DCNS pour douze submersibles afin de remplacer ses sous-marins Collins. Ce programme de défense d’un montant de 50 milliards de dollars australiens (34,5 milliards d’euros) est considéré comme le plus important de l’histoire du pays. Il est même actuellement, selon le ministre australien de l’industrie de la défense, Christopher Pyne, « le plus gros contrat du monde dans son genre ».

Cet accord engage les deux Etats pour les cinquante prochaines années, le temps du programme. Il marque un approfondissement de leur « partenariat stratégique » et coiffe l’ensemble des accords signés, dont il vise à faciliter l’exécution. Cette couverture juridique prévoit notamment l’assistance de la Direction générale de l’armement (DGA) ou l’échange d’informations entre les deux pays, et fixe des règles en matière de propriété intellectuelle.

Le projet progresse en parallèle dans les deux pays, l’objectif étant de démarrer la fabrication des sous-marins en 2022, pour une première mise à l’eau en 2030. « Nous travaillons à la construction d’un partenariat dans la durée, rappelle Hervé Guillou, le patron du groupe de construction navale, nous allons affiner les plannings et les moyens d’y parvenir. » Avant de débuter la fabrication, il faudra avoir construit le chantier, le bureau d’études, le centre logiciel et qualifier la chaîne de fournisseurs australiens.

Des premiers rendez-vous sont prévus pour suivre l’avancée du programme, en avril, puis en septembre 2017. D’autre part, durant les prochains mois, DCNS et l’américain Lockheed Martin, retenu pour fournir les systèmes de combat, vont définir à leur tour les modalités de leur coopération. « Comme nous fabriquons également de tels systèmes, nous nous sommes tout de suite compris », apprécie le patron de DCNS.

Environ 2 800 emplois créés sur place

Déjà des Australiens sont présents à Cherbourg (Manche) où la phase de design a démarré, a indiqué M. Le Drian. Sur ce site, des bureaux d’études spécifiques leur seront destinés. « Il n’est pas question pour nous de partager ce que nous faisons sur les sous-marins lanceurs d’engins, ni pour eux de laisser à livre ouvert ce qu’ils font sur le Barracuda », explique M. Guillou. En France, 4 000 personnes seront mobilisées pendant six ans chez le constructeur et ses 200 sous-traitants. La part dans ce contrat revenant aux industriels français est estimée à 8 milliards d’euros.

M. Le Drian a inauguré, mardi, les bureaux de DCNS à Adelaïde. C’est dans cette ville d’Australie méridionale, où se trouvent les chantiers navals ACS, que les sous-marins seront construits, comme l’a exigé Canberra. L’accord signé mardi souligne la « volonté de maximiser la participation australienne », a indiqué le ministre. Environ 2 800 emplois devraient être créés sur place, selon le gouvernement australien.

M. Turnbull n’a pas manqué de rappeler que ce partenariat rapprochait deux pays qui combattaient déjà ensemble il y a cent ans, lors de la première guerre mondiale. Ils sont aujourd’hui tous les deux membres de la coalition contre l’organisation Etat islamique et travaillent souvent ensemble dans le Pacifique.

Il y a une ombre au tableau cependant : la fuite massive d’informations de DCNS sur le sous-marin Scorpène vendu à l’Inde a suscité beaucoup d’inquiétude en Australie. Le quotidien The Australian avait publié, en août, des extraits des 22 400 documents du constructeur. Il y avait « manifestement une attention malveillante contre la France », a estimé M. Le Drian, affirmant que les fuites ne concernaient pas des informations classifiées. La France et l’Australie ont signé, début décembre, un accord général de sécurité. « Nous mettons en œuvre des moyens sécurisés extrêmement sophistiqués », a-t-il assuré.