Episode de smog à Shanghaï, le 15 décembre. | ALY SONG / REUTERS

La gigantesque chappe de pollution qui s’est abattue sur Pékin et le centre de la Chine, vendredi 16 décembre au soir, est particulièrement bien visible sur AirVisualEarth, un planisphère interactif conçu et mis en ligne le mois dernier par la start-up française AirVisual à partir des données d’AQI (indice de la pollution de l’air) dans le monde. AirVisual est sis à Pékin.

Cette radiologie de la pollution montre une tâche rouge en périphérie (AQI supérieur à 150) à marron violacé en son centre (AQI au-dessus de 200), qui va de Chengdu dans l’ouest de la Chine à Pékin au nord et englobe nombre des provinces de l’intérieur (Hebei, Henan, Hubei, Shanxi…). Seul le Tibet, dépourvu d’industrie, protégé par des chaînes de montagne, et où les vents sont souvent forts, était de couleur « bleue » (AQI inférieur à 8), mardi 20 décembre.

C’est le quatrième jour d’alerte rouge à Pékin et une vingtaine d’autres villes chinoises. Déclenchée vendredi soir pour cinq jours après une journée particulièrement claire, l’alerte rouge signale que l’AQI va dépasser 200 pendant au moins quatre jours d’affilée (ou bien 500 sur un jour ou encore 300 sur deux jours). La circulation alternée a été imposée, un grand nombre d’usines ont suspendu leur activité. Le charbon issu des centrales thermiques est le premier responsable.

Brouillard de particules

Mardi soir à 20 heures, l’AQI dans le quartier central de Dongsi à Pékin, calculé selon le standard américain à partir de six polluants, indiquait 407, soit un taux de PM2,5 (particules de moins de 2,5 micromètres de diamètres) de 359 microgrammes pour un mètre cube (µg/m3) et de PM 10 de 361 µg/m3. L’OMS recommande comme maximum 25 μg/m3 de moyenne sur 24 heures pour les particules fines. Dans la capitale, on ne voit pas à plus de 50 mètres et 169 vols ont été annulés dans la seule journée de mardi. Certaines villes du Hebei, la province autour de Pékin, ont vu leur AQI dépasser les 1 000.

Sur la carte, la Chine a souvent cet automne été recouverte de ces teintes pourpres et violacées – tout comme l’Inde, l’autre grand champion en matière de pollution atmosphérique. L’Europe de l’Ouest est dans le vert, à part une partie de l’Angleterre, de la Manche et de la région parisienne, en jaune orange. La pollution toutefois varie d’heure en heure, en fonction des vents indiqués par des traits blancs animés. Ce sont eux qui font se teindre d’orange une partie de la mer du Japon, mais aussi les côtes du sud de la Chine. Les vents qui tourbillonnent actuellement au-dessus des provinces chinoises les plus polluées sont indiqués par des traits courts, ce qui signale qu’ils sont faibles, expliquant pourquoi la pollution peine à se dissiper.

Le planisphère d’AirVisual est conçu à partir de trois types de données, explique Yann Boquillod, spécialiste en « big data » et fondateur de la start-up : les données publiques des bornes officielles dans chaque pays, celles en provenance de « nodes », c’est-à-dire les bornes personnelles d’AirVisual placées dans certains pays par des utilisateurs validés et aux résultats lissés par un système d’intelligence artificielle (pour détecter des erreurs), et enfin d’images satellites remodélisées. « Par exemple, au Sahara, il n’y a pas de capteurs, or avec les images satellites on voit les zones de pollution “naturelles” dues aux vents de sable. Le Pakistan, le Nigeria ont également peu de capteurs et l’on parvient à remodéliser la pollution », décrit Yann Boquillod.

Préserver la qualité de l’air intérieur

Le node d’AirVisual est un appareil personnel portable de mesure de la qualité de l’air. Pour calculer la concentration en PM 2,5, il comptabilise les interruptions du laser par les particules envoyées par un microventilateur. Quand il est connecté sur WiFi, il donne également l’AQI des bornes officielles placées en extérieur, ainsi que le taux de CO2. Il a été mis en vente début 2016 sur le site d’AirVisual, sur un marché de niche qu’occupent en Chine quelques start-up. Les ventes ont été multipliées par quatre lors de ces derniers jours de smog intense, signale Yann Boquillod. La Chine en est le premier marché, suivi par les Etats-Unis, puis l’Inde et l’Europe.

C’est qu’il s’avère assez vite indispensable pour qui veut préserver son intérieur de l’air pollué avec des purificateurs d’air – tant il est nécessaire d’adapter la puissance de ceux-ci, ou de colmater les brèches de pollution, afin de parvenir à une moyenne raisonnable de concentration en particules fines. Le smog chinois a au moins un bénéfice : être propice aux innovations. Lei Jun, le patron de la société chinoise Xiaomi, qui s’est fait connaître par un smartphone mais a également percé sur le marché des purificateurs d’air avec un appareil design et bon marché, a ainsi promis mardi de réfléchir à un modèle de purificateur… portable.

Un épais nuage de pollution s’abat sur la Chine
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