Depuis l’élection de Donald Trump, le 8 novembre, le yen s’est en effet déprécié de plus de 10 % face au dollar. | KAZUHIRO NOGI / AFP

Après la Réserve Fédérale (Fed) et la Banque centrale européenne (BCE), la Banque du Japon (BoJ) a, mardi 20 décembre, tenu à son tour sa dernière réunion de l’année. Sans surprise, elle a opté pour le statu quo, laissant son taux directeur à – 0,1 %, et poursuivant ses rachats de dettes publiques (80 000 milliards de yens par an, soit 655 milliards d’euros).

Pour la première fois depuis des mois, elle s’est également montrée un peu plus positive sur la croissance, saluant le « redressement » de la production industrielle. « L’économie nippone, notamment soutenue par les exportations, va un peu mieux, confirme Kazuhiko Ogata, économiste au Crédit agricole CIB, à Tokyo. Ces prochains mois, elle pourrait également profiter indirectement de la politique économique de Donald Trump. »

Depuis l’élection du nouveau président américain, le 8 novembre, le yen s’est en effet déprécié de plus de 10 % face au dollar. Et la baisse pourrait se poursuivre : attirés par les rendements plus élevés aux Etats-Unis, où la Fed vient de relever ses taux directeurs, les capitaux vont se placer sur le sol américain, poussant le billet vert à la hausse face aux autres devises.

Prévisions de croissance relevées

Voilà qui est de bon augure pour les exportations japonaises, qui regagnent ainsi en compétitivité. En novembre, elles ont progressé de 7,4 % en volume. En outre, ajoute Kohei Iwahara, économiste chez Natixis, à Tokyo :

« La baisse du yen renchérit le prix des produits importés, éloignant ainsi le dangereux spectre de la déflation »

De plus, le gouvernement a annoncé un nouveau plan de relance (28 000 milliards de yens, soit 220 milliards d’euros, dont une grande partie de dépenses déjà programmées) l’été dernier. Lui aussi devrait soutenir l’activité ces prochains mois. Mardi 20 décembre, le gouvernement a d’ailleurs relevé de 1,2 % à 1,5 % sa prévision de croissance pour l’année budgétaire d’avril 2017 à mars 2018, après 1,3 % pour l’exercice en cours.

Une bonne nouvelle pour Shinzo Abe. Depuis son arrivée en 2012, le premier ministre (centre droit) lutte pour sortir l’archipel de la spirale de la baisse des prix et de la croissance faible. Mais depuis 2014, nombre d’économistes doutent de l’efficacité de sa politique économique (les « Abenomics »), qui combine soutiens monétaires, relance budgétaire et réformes structurelles. « Il manque quelques éléments pour que cela fonctionne vraiment », analyse M. Iwahara.

Ainsi, la hausse des prix liée à la baisse du yen ne heurtera pas le pouvoir d’achat des ménages qu’à condition qu’elle s’accompagne d’une hausse des salaires. Pourtant, en dépit du bas taux de chômage (3 %), de l’augmentation de 3 % du salaire minimum actée par le gouvernement cette année et des augmentations concédées par quelques grandes entreprises, l’évolution moyenne des salaires reste décevante. « Cela tient à la forte dualité du marché du travail, qui oppose les emplois protégés en CDI et les 30 % d’emplois précaires à temps partiel », explique M. Iwahara. Sans réforme permettant de réduire cette dualité, la hausse générale des salaires restera faible, limitant l’efficacité des Abenomics.

En outre, l’économie nippone reste pénalisée par un niveau élevé de dette publique (248 % du produit intérieur brut). Et surtout, par le vieillissement démographique : le pays, qui recense aujourd’hui 126,9 millions d’habitants, a vu sa population reculer d’un million individus depuis 2010.