A La Vache rit, quartier général des opposants au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (en novembre 2015). | STEPHANE MAHE / REUTERS

Les élus nantais et de la région Pays-de-la-Loire continuent de presser le gouvernement de démarrer le chantier du futur aéroport, à Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique). Inquiets, voire choqués par les annonces récentes de Bernard Cazeneuve d’un report de toute intervention des forces de l’ordre pour évacuer la ZAD, la « zone à défendre » ainsi rebaptisée par ses occupants, ils ont par deux fois, vendredi 16 décembre puis lundi 19 décembre, exprimé leur attachement à la réalisation de ce projet vieux de plus de cinquante ans.

A l’initiative du groupe Union du centre et de la droite (UCD), les élus du conseil métropolitain Nantes Métropole (97 conseillers) ont voté, vendredi, à une écrasante majorité – 72 pour, 14 contre et 1 abstention –, un vœu demandant « au gouvernement de débuter les travaux au plus vite, et de respecter le vote des électeurs de Loire-Atlantique », faisant référence à la consultation locale qui, le 26 juin, a donné 55,17 % de oui au transfert de l’actuel aéroport Nantes-Atlantique vers Notre-Dame-des-Landes, à une vingtaine de kilomètres au nord de Nantes. Seuls les élus écologistes ont voté contre ce vœu, laissant le PS, à la tête de la ville de Nantes, le PC et les élus de droite et du centre afficher leur impatience et rappeler que « le gouvernement a pris l’engagement de commencer les travaux ».

Cohérence territoriale

La veille, jeudi, les élus du conseil régional émettaient un vœu similaire, ciblant plus particulièrement François Hollande. « Ce qui est en cause, c’est bien la capacité de la République à agir ; la République qui s’incarne tout particulièrement, dans nos institutions, à travers la personne du chef de l’Etat. Il s’agit sans doute pour François Hollande de la dernière chance d’incarner sa fonction et de marquer d’une empreinte positive ce quinquennat qui s’achève », estiment les conseillers régionaux de la droite et du centre, majoritaires en Pays-de-la-Loire. Le groupe Socialiste, écologiste, radical et républicain (SERR) a aussi voté ce vœu, à l’exception d’un contre et d’une abstention. Contre aussi, les treize élus du Front national et les six du groupe Ecologie et citoyen.

Pour que le chantier du futur aéroport puisse démarrer, il faut que la sécurité juridique du dossier soit complète, a répété Matignon. En adoptant le nouveau schéma de cohérence territoriale (SCOT) de la métropole Nantes-Saint-Nazaire, lundi 19 décembre, les élus locaux estiment précisément avoir levé les derniers obstacles juridiques au niveau européen. Dans ce pôle métropolitain, qui regroupe six intercommunalités, soixante et une communes et quelque 800 000 habitants, le vote favorable de ce texte a été très majoritaire, avec 74 pour sur 89 votants, 7 contre. Sept maire, donc ceux de Notre-Dame-des-Landes ou Fay-de-Bretagne, communes directement touchées par le projet d’aéroport, se sont abstenus.

L’imposant document présentant l’ensemble de la politique territoriale et les aménagements en cours ou en projet doit répondre aux interrogations de la Commission européenne, qui exigeait que tous les impacts des différents chantiers soient pris en compte. Mais l’évaluation de certains projets manque toujours, comme celui des « Liaisons nouvelles Ouest Bretagne-Pays-de-la-Loire » (LNOBPL), c’est-à-dire les lignes à grande vitesse destinées à relier la future plate-forme aéroportuaire aux grandes villes de l’Ouest.

« On nous a demandé d’intégrer les évaluations de l’aéroport et des projets connexes. On a donc rajouté au SCOT un document de synthèse faisant état des projets existants, des mesures de consommation d’espace et des mesures de compensation quand on les avait », explique Fabrice Roussel, vice-président (PS) de Nantes Métropole. Selon l’élu, il ne devrait plus y avoir de problème avec l’Europe.

« Indécision sur le dossier »

De son côté, l’Autorité environnementale avait demandé à ce que le SCOT « précise l’impact de tous les projets connexes au projet aéroportuaire, tels qu’ils sont appréhendés à ce jour et les éléments d’appréciation environnementale justifiant sa réalisation ». M. Roussel estime que ce n’est pas à la métropole d’apporter ces réponses. « Il ne revient pas au pôle de faire des évaluations environnementales sur des projets que nous ne maîtrisons pas », précise-t-il.

Pour le vice-président de la métropole, la région a rempli le contrat. Le préfet devrait transmettre dans les prochains jours aux commissaires européens l’étude stratégique environnementale du SCOT. La réponse européenne pourrait alors intervenir dans les prochaines semaines. Il faudra alors faire vite si le gouvernement veut intervenir dans la ZAD pour démarrer les travaux car, à partir de la mi-mars, les abattages d’arbres sont interdits, de même que les déplacements de certaines espèces protégées.

Bruno Retailleau, président (LR) de la région des Pays-de-la-Loire (LR), donne une conférence de presse devant la mairie du village de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), là où doit être construit le nouvel aéroport nantais (janvier 2015). | JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP

« L’Etat a fait le choix d’attendre cette révision du SCOT pour lancer les travaux alors qu’il n’y était pas obligé juridiquement (…). J’en prends acte mais je demande désormais au président de la République d’ordonner le début des travaux car plus aucun subterfuge ne saurait désormais masquer son indécision sur ce dossier », a déclaré Bruno Retailleau, président de région (LR) et du Syndicat mixte aéroportuaire, qui estime qu’« une nouvelle étape a été franchie ».

Pression sur le chef de l’Etat

Si la sécurisation juridique, invoquée par le chef du gouvernement, pourrait se faire prochainement, il en va tout différemment s’agissant des conditions d’intervention des forces de l’ordre dans la ZAD. Avec l’attentat sur un marché de Noël à Berlin, dans la soirée du lundi 19 décembre, la menace terroriste reste plus que jamais d’actualité. Et le premier ministre, comme le ministre de l’intérieur, n’entend pas prendre le risque de consacrer un nombre important de gendarmes mobiles à évacuer quelques centaines de zadistes, par ailleurs bien décidés à rester dans le bocage.

Là encore, le président de la région, Bruno Retailleau, fervent soutien du candidat de la droite à l’élection présidentielle, François Fillon, continue de mettre la pression sur le chef de l’État. « Avec la lutte contre le terrorisme, opérationnelle et idéologique, on en a pour des années. Cela ne peut être un prétexte pour ne rien faire. C’est parce que l’Etat est affaibli qu’il est attaqué. On ne doit pas attenter à son autorité, la loi de la République doit s’appliquer partout en France », a expliqué au Monde Bruno Retailleau.

Bien que favorable au projet et à l’intervention dans la ZAD, l’élu socialiste Fabrice Roussel reconnaît que la période est complexe. « Le gouvernement nous a demandé d’organiser une consultation locale, d’amender le SCOT pour répondre à l’Europe, on a fait tout cela. L’Etat doit être logique et préciser le calendrier d’intervention, estime-t-il. Si les choses ne sont pas possibles, aujourd’hui, le gouvernement doit le dire clairement. »