Des policiers devant le marché de Noël de Stuttgart, en Allemagne, le 21 décembre 2016. | Silas Stein / AP

L’Allemagne a-t-elle fait assez pour assurer la sécurité de ses marchés de Noël et, plus globalement, de sa population ? Deux jours après le drame qui a fait douze morts et quarante-huit blessés sur le marché de Noël de Breitscheidplatz, à Berlin, le débat sur la sécurité est relancé en Allemagne. La pression est extrême sur la chancelière Angela Merkel et son ministre de l’intérieur, Thomas de Maizière, alors que le dernier renforcement annoncé du plan de sécurité antiterroriste remonte à quelques mois seulement. Or, certaines mesures de ce plan ne sont pas encore entrées en vigueur.

Mercredi 21 décembre, indépendamment de l’attentat, le principe du renforcement de la vidéosurveillance dans les lieux publics a ainsi été adopté par le cabinet d’Angela Merkel. Ce principe était un élément phare du catalogue de mesures annoncées par Thomas de Maizière en août, à la suite de plusieurs attaques violentes cet été : la fusillade dans un centre commercial de Munich perpétrée par un fou isolé, qui avait fait neuf morts, et les deux attentats terroristes revendiqués de Würzburg et d’Ansbach en Bavière, qui n’avaient pas fait de victimes mortelles.

Selon le plan avalisé mercredi, la vidéosurveillance doit être étendue à un grand nombre de lieux publics, comme les installations sportives et les centres commerciaux. Les policiers pourront également porter des mini-caméras sur eux. Ce plan prévoit aussi un changement de la loi sur la protection des données personnelles et la mise en place d’une surveillance « intelligente », avec reconnaissance automatique des visages et des plaques d’immatriculation.

La droite demande un renforcement des mesures

Au mois d’août, le ministre de l’intérieur avait annoncé l’augmentation significative des moyens des forces de l’ordre, avec création de milliers de postes dans la police fédérale et judiciaire, ainsi qu’au sein des renseignements généraux. D’autres mesures avaient été présentées, comme le renforcement de la législation à l’encontre des étrangers auteurs de délits et de personnes identifiées comme « présentant une menace » à l’ordre public. Des mesures plus polémiques, comme l’intervention de l’armée dans la sécurité intérieure, jusqu’ici un tabou lié à l’histoire du pays, avaient également été évoquées.

Angela Merkel et son ministre de l’intérieur peuvent-ils aller encore plus loin ? C’est la question qui se pose avec acuité depuis l’attentat de Berlin. A droite, de nombreux responsables politiques poussent en faveur d’un nouveau renforcement de la législation. Le président de l’Union chrétienne-sociale (CSU), Horst Seehofer, allié de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) d’Angela Merkel, n’avait pas attendu plus de vingt-quatre heures après l’attentat pour réclamer une remise à plat complète de la politique sécuritaire et migratoire en vigueur, ce pour quoi il a été beaucoup critiqué.

« La législation actuelle ne nous permet pas de progresser dans la lutte contre le terrorisme », a lancé mardi le président de la conférence des ministres de l’intérieur régionaux, Klaus Bouillon (CDU). Il a réclamé que les marchés de Noël soient protégés par des véhicules placés en travers de la route, a demandé une amélioration de l’échange des données entre les différentes autorités chargées de la sécurité ainsi qu’un abaissement des barrières mises à la surveillance des télécommunications, et de nouvelles mesures pour surveiller les échanges sur les services de messagerie en ligne, comme le populaire WhatsApp.

Le renforcement de la présence des forces de l’ordre est déjà très visible depuis l’attentat : à Berlin et dans le reste de l’Allemagne, des policiers équipés d’armes imposantes déambulent dans les endroits très fréquentés, comme les gares et les marchés de Noël. Des images inhabituelles en Allemagne.

Un pays sensible à la protection des libertés individuelles

Cette surenchère ne trouve cependant pas grâce aux yeux de tous, dans un pays traditionnellement très sensible à la protection des libertés individuelles et où la police est une compétence régionale. La ville-Etat de Berlin, par exemple, dirigée par une coalition des partis de gauche et de l’écologie, refuse l’élargissement de la vidéosurveillance. A la surprise de nombreux experts, la Breitscheidplatz, la grande place où s’est déroulé l’attentat de lundi, n’est pas équipée de caméras. « Les attentats de ce type ne peuvent pas être empêchés par les caméras de surveillance », a déclaré le ministre de l’intérieur du land de Berlin, Andreas Geisel.

Mercredi après-midi, les membres de la commission parlementaire aux affaires intérieures se sont réunis à Berlin en session extraordinaire, dans le contexte d’un avis de recherche contre le Tunisien suspecté d’être impliqué dans l’attentat de Berlin. Ils ont montré l’étendue de leurs désaccords sur les questions de changement de la politique migratoire, notamment l’inscription de pays comme la Tunisie sur la liste des pays « sûrs ». Après l’attentat de Berlin, le débat sur la sécurité s’impose de nouveau comme incontournable dans la campagne qui s’annonce.