Une plaque d'immatriculation imprimée « Etat Islamique » retrouvée dans le quartier Saddam, à Mossoul, le 6 novembre. | Laurent Van der Stockt pour "Le Monde"

L’organisation Etat islamique (EI) a revendiqué, mardi 20 décembre, l’attentat perpétré lundi sur un marché de Noël de la capitale allemande. « Un soldat de l’Etat islamique a commis l’opération de Berlin en réponse aux appels à cibler les ressortissants des pays de la coalition internationale » anti-EI, a précisé dans la soirée son organe de propagande, Aamaq, alors qu’un suspect identifié est toujours en fuite.

Un fait exceptionnel, bien qu’il y ait déjà eu au moins deux précédents. Lors des attentats du 13 novembre, la revendication de l’EI est diffusée au lendemain des attaques alors qu’Abdelhamid Abaaoud, coordinateur des opérations, vient d’entreprendre une cavale. En octobre, deux adolescents sont poignardés à Hambourg, dont l’un décède. Quatre jours plus tard, l’EI revendique l’assassinat sans que l’auteur des faits n’ait pour l’instant été retrouvé.

  • Des revendications parfois accompagnées d’une preuve

« Le mode de revendication de l’EI est toujours le même, explique Wassim Nasr, journaliste à France 24 et auteur de l’ouvrage Etat islamique, le fait accompli. Aamaq indique qu’un “soldat” de l’EI a répondu favorablement à notre appel. Il peut ensuite y avoir la diffusion d’une vidéo, ou d’un message audio. »

Ce fut le cas pour de nombreux attentats. Fabien Clain, un proche de Mohammed Merah qui a rejoint, en 2014, les rangs de l’EI, diffuse ainsi le 14 novembre un message audio dans lequel il revendique les attaques de la veille au nom de l’organisation djihadiste. Même chose avec l’assassinat du policier Jean-Baptiste Salvaing et de sa compagne Jessica Schneider, tous les deux tués à leur domicile, à Magnanville, le 13 juin par Larossi Abballa. La revendication est signée Adrien Guihal, un garagiste parti rejoindre l’EI en février 2015.

Parfois, l’EI distille des informations sur les auteurs d’attentats afin d’établir le lien. Le 17 juillet, quatre mois après les attaques de Bruxelles de mars, un testament attribué à Khalid Al-Bakraoui, qui s’est fait exploser dans le métro de la capitale belge, a par exemple été mis en ligne.

Mais ces « preuves », diffusées sur des canaux de propagande djihadiste, ne sont pas automatiques. Le 14 juillet, Mohamed Lahouaiej Bouhlel fonce sur la foule rassemblée sur la promenade des Anglais à Nice avant d’être abattu par la police. Trente-six heures plus tard, l’EI revendique l’attaque. A l’époque, certains soupçonnent de la part de l’organisation une revendication d’opportunité. « Si le tueur a été qualifié de soldat, c’est qu’il y a forcément un lien. Reste à le trouver », estime Wassim Nasr.

Selon lui, l’EI n’a jamais revendiqué d’attaques que l’organisation n’a pas commises ou inspirées. En décembre 2015, un instituteur d’une école maternelle à Aubervilliers assure avoir été attaqué dans sa classe par un homme ayant invoqué l’organisation Etat islamique. L’enseignant a finalement reconnu avoir tout inventé sans que l’organisation ait, entre-temps, reconnu une quelconque filiation. De même lors d’une attaque sur un marché de Noël à Nantes en 2014. La procureure de la République évoque, à l’époque, un « cas isolé », écartant tout « acte de terrorisme ». Le 30 novembre, l’auteur des faits, atteint de problèmes psychiatriques, a été déclaré « irresponsable » par la justice.

  • Des attentats attribués à l’EI sans revendication

Depuis les attentats de janvier 2015, il est arrivé que le groupe djihadiste ne revendique pas des attaques pourtant commises par des membres affiliés à l’organisation. C’est ce qu’il s’est passé pour le tireur du Thalys, ou encore pour Sid Ahmed Ghlam, tueur d’Aurélie Châtelain, qui avait planifié un carnage dans une église de Villejuif. Leur point commun : ils ont survécu sans aller au bout de leur projet meurtrier.

« Certains ont longtemps pensé que l’EI ne revendiquait pas ces attaques pour protéger les auteurs lorsqu’ils étaient arrêtés mais de mon point de vue, ils ne le font pas parce que l’attaque a échoué », pense Romain Caillet, chercheur et spécialiste de la mouvance djihadiste. Ainsi, après avoir nié toute motivation terroriste, Ayoub El Khazzani, qui a tenté de s’attaquer aux passagers d’un train Thalys le 21 août 2015, a finalement reconnu, le mercredi 14 décembre, avoir agi sous les ordres d’Abdelhamid Abaaoud avec qui il était entré en Europe.

Sur le sol turc, pendant longtemps, l’EI n’a pas non plus revendiqué les attentats qui lui ont été attribués par les autorités d’Ankara. D’ordinaire si prompte à reconnaître sa responsabilité dans les attaques commises en son nom partout ailleurs dans le monde, le groupe djihadiste n’a jamais réagi à ces accusations. Mais le 4 novembre, l’organisation a changé de stratégie en revendiquant pour la première fois, par le biais d’Aamaq, un attentat à la voiture piégée à Diyarbakir, dans le sud-est de la Turquie.

Pour Romain Caillet et Wassim Nasr, ce changement témoigne de l’évolution des relations entre la Turquie et l’EI. Pendant longtemps, Ankara a laissé les combattants de l’organisation traverser sa frontière avant de s’attaquer frontalement à ses positions. Résultat, le 5 décembre, Abi Hassan al-Mouhadjer, le nouveau porte-parole de l’EI, a appelé les partisans de l’organisation à cibler spécifiquement la Turquie et son gouvernement « apostat ».

  • « Saluer » un attentat sans le revendiquer

Enfin, il arrive que l’EI se contente de « saluer » des attentats sans s’en attribuer la responsabilité, en admettant ainsi n’avoir aucun lien avec leurs auteurs. Ce fut le cas avec la fusillade de San Bernardino, le 2 décembre 2015 en Californie, ou la prise d’otages de Sydney, en Australie, le 15 décembre 2014. Dans ces cas-là, l’organisation djihadiste préfère rendre hommage à des « sympathisants » plutôt qu’à ses « soldats ».

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