Le milliardaire Beny Steinmetz, lors d’un événement à Tel-Aviv, le 8 août 2010. | REUTERS

Sur son site personnel, on le voit en photo aux côtés de célébrités : Shimon Pérès, Elie Wiesel, Kofi Annan, le prince Albert ou encore Patrick Bruel. D’une discrétion rare dans les médias, le milliardaire israélien Beny Steinmetz, 60 ans, qui dispose d’un passeport français par mariage, fait actuellement les gros titres. Arrêté lundi 19 décembre par la police israélienne, il a été placé en résidence surveillée. Il est soupçonné de corruption au bénéfice d’officiels guinéens, à hauteur de plusieurs dizaines de millions de dollars, ainsi que de blanchiment d’argent. Sa caution a été fixée à 100 millions de shekels (25 millions d’euros). Il n’a pas le droit de quitter le territoire pendant cent quatre-vingts jours.

Ce coup de théâtre intervient dans le cadre d’une enquête internationale, conduite à la fois par des policiers américains, suisses, guinéens et israéliens. Au cœur des investigations se trouve le projet d’exploitation d’un des plus grands gisements de minerai de fer au monde, à Simandou, dans l’est de la Guinée, au potentiel estimé à 20 milliards de dollars (19,2 milliards d’euros). Il nécessitait des investissements énormes dans l’un des pays les plus pauvres et les plus corrompus de la planète. Depuis une décennie, ce projet fait l’objet d’une bataille industrielle et judiciaire sur plusieurs continents. Un intermédiaire français du groupe de M. Steinmetz en Guinée, Frédéric Cilins, a été condamné à deux ans de prison aux Etats-Unis pour obstruction à la justice. L’une des femmes de l’ancien autocrate guinéen Lansana Conté, mort en 2008, a coopéré avec le FBI, qui l’a accusée d’avoir servi d’intermédiaire pour les pots-de-vin versés à son mari.

Parcours hors normes

La fortune de M. Steinmetz est estimée par le magazine Forbes à 5,7 milliards de shekels (1,4 milliard d’euros). Après avoir vécu dix-huit ans en Belgique, l’entrepreneur est revenu en Israël en 1996, puis a déménagé en Suisse en 2010. Il s’est à nouveau installé en Israël il y a environ un an, pour des raisons « familiales et fiscales » et non pour fuir la justice helvétique, dit l’un de ses conseillers, interrogé par Le Monde.

Le parcours de ce fils de diamantaire est hors normes. Il a quitté Israël après son service militaire pour s’établir à Anvers, en Belgique. L’Afrique sera son terrain de chasse privilégié dans les affaires. « Ce qui a commencé comme une jeune entreprise locale est devenu aujourd’hui un empire à multiples facettes », explique son site, énumérant les secteurs d’implantation : immobilier, mines, minéraux, finance, pétrole et gaz. La holding familiale est une fondation, aux ramifications complexes, dont Beny Steinmetz Group Resources (BSGR) n’est qu’une filiale.

En 2008, BSGR a fait une entrée triomphale en Guinée, sur le site de Simandou. Pour cela, le groupe australo-britannique Rio Tinto a été dépossédé de sa licence, officiellement en raison de retards dans les travaux. Deux ans plus tard, BSGR a pris pour partenaire le groupe brésilien Vale, qui a racheté 51 % du projet pour la somme gigantesque de 2,5 milliards de dollars. Seulement 500 millions sont versés. L’investissement originel de la BSGR était de seulement 160 millions de dollars, gigantesque plus-value.

Mais l’arrivée à la présidence du pays d’Alpha Condé en 2010 va bouleverser les conditions favorables dont jouissait la corporation. Il décide de réviser tous les contrats miniers. « Alpha Condé a ciblé Steinmetz de façon obsessionnelle pour se donner une image de guerrier de la bonne gouvernance, affirme le conseiller du milliardaire. C’est risible, au vu des éléments dont on dispose sur lui et son entourage. » Accusé de corruption, le groupe BSGR fut contraint d’abandonner Simandou. En juin 2013, dans l’une de ses rares interviews accordée à Ynet en Israël, Beny Steinmetz a donné sa version. « Ce qui s’est passé là-bas, c’est qu’un mauvais président est arrivé au pouvoir et, pour des raisons personnelles, a arrêté les travaux. C’est une affaire d’agenda, de politiques, de corruption et de contes. »